Romains 8, 18-39

Frère Paul Murray

L’étude et le bonheur

Le vin nouveau de la spiritualité dominicaine, p. 116s

       Un engagement, dans n’importe quel domaine, exige une discipline. Mais le but de l’étude ne peut être atteint si, assis à étudier, les étudiants se trouvent dépendants seulement de leur médiocre volonté. Dans le cas de saint Thomas, ce qui explique la force extraordinaire derrière son engagement dans l’étude, c’est avant tout et en dernier ressort son désir de connaître Dieu et de connaître les choses de Dieu.

       Quand saint Thomas parle de la joie de l’étude, il parle parfois simplement du plaisir naturel qu’un étudiant tire d’un sujet particulier. Mais la joie profonde dont parle saint Thomas le plus souvent dans ses écrits, et qu’il lie à l’étude, contient un rapport sur le sujet et l’objet de l’étude, c’est-à-dire Dieu. « La contemplation, ou étude contemplative, nous dit-il dans la Somme, est exquise en raison de son objet, dans la mesure où vous contemplez ce que vous aimez, exactement comme dans un regard physique, ce qui est déjà exquis non seulement parce que l’acte de voir lui-même engendre un plaisir, mais parce que vous contemplez Quelqu’un que vous aimez ». Quand ce « Quelqu’un » ou cette personne est Dieu, alors ce que vous commencez à expérimenter, explique Thomas, déjà dans une certaine mesure en cette vie, est une immense joie. L’intelligence qui vient avec une étude soutenue par la prière et la contemplation, n’est donc pas une abstraction froide et aveugle, mais elle est, dans un certain sens, le début d’une vision, et d’une vision joyeuse : « Dès que vous voyez la personne que vous aimez, nous dit saint Thomas, votre amour pour cette personne brûle d’autant plus fort ».

       Ce n’est pas un hasard que le mot « heureux » soit lié à saint Thomas dans les deux plus importantes biographies du saint écrites très tôt : Ô felix Doctor est une expression reprise maintes fois par Guillaume de Tocco, ainsi que par Bernard Gui, comme si « heureux professeur » était la description la plus exacte de saint Thomas en tant qu’homme et en tant que théologien. Thomas nous dit lui-même et à plusieurs reprises, que l’étude contemplative est « la plus merveilleuse de toutes les recherches humaines ». Et il note encore que « ceux qui consacrent leur vie à la recherche de la sagesse sont les plus heureux des hommes dans cette vie ».