Romains 9, 1-18

« Etre séparé du Christ pour mes frères »

Saint Jean Chrysostome

Homélies sur les lettres de saint Paul, homélie 16, Tome 2, p. 100s

       Je désirais ardemment d’être moi-même anathème à l’égard du Christ. Que dis-tu là, Paul ? Ce Christ que tu aimes, dont ni le ciel, ni l’enfer, ni les choses invisibles, ni tant d’autres choses, ne pourraient te séparer, tu voudrais être anathème à son égard ? Qu’est-il donc arrivé. Es-tu changé ? As-tu perdu cet amour ? Non, répond-il, ne craignez rien, je l’ai plutôt augmenté. Comment donc désires-tu être anathème, et demandes-tu un éloignement, une séparation après laquelle il n’y en a plus de possible ? Parce que je l’aime ardemment, dit-il. Comment, de quelle manière ?, dis-le moi, car cela ressemble fort à une énigme.

       Quelle est donc la cause ? Jésus lui-même, l’objet aimé. Or Paul ne dit pas que ce soit pour lui : je désirerais ardemment, dit-il, être anathème pour mes frères. C’est là un effet de son humilité ; il ne veut pas avoir l’air de faire pour le Christ la grande chose qu’il exprime, aussi dit-il : Qui sont mes proches, afin de dissimuler la grandeur de la chose ; mais pour vous convaincre que c’est le Christ qu’il a en vue, écoutez la suite : Après avoir dit : Qui sont mes proches, il ajoute : Auxquels appartient l’adoption, la gloire, l’alliance, la loi, le culte, et les promesses ; dont les pères sont ceux qui sont sortis, selon la chair, le Christ même, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen.

       Ce n’est pas sans raison qu’il a parlé ainsi : car comme tous les Juifs accusaient Dieu en disant : qu’ayant eu l’honneur d’être appelés fils de Dieu, ayant reçu la loi, ayant connu Dieu avant tout le monde, ayant joui d’une si grande gloire, ayant servi Dieu en face de tout l’univers, ayant reçu les promesses, étant les pères des mêmes tribus, étant les ancêtres du Christ, comme le dit l’apôtre : De qui est sorti selon la chair le Christ, et que malgré tout cela, ils avaient été rejetés, déshonorés, et qu’à leur place on avait substitué des gentils qui n’avaient jamais connu Dieu : comme, dis-je, ils tenaient ce langage et qu’ils blasphémaient contre Dieu, Paul, qui entendait tout cela, qui s’en trouvait blessé et pleurait sur l’outrage fait à la gloire de Dieu, désirait ardemment être anathème, si cela eût été possible, pour les sauver, pour faire cesser les blasphèmes, et empêcher que Dieu ne parût avoir trompé les descendants de ceux à qui il avait promis les dons.