Jean 12, 24-26

« Si quelqu’un veut me suivre, qu’il me serve »

Saint Augustin

Sermon 300, 2-3, OC 19, p. 81s

       Si quelqu’un veut venir à moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive, nous dit l’Evangile. Nous comprenons le sens de ces paroles : Qu’il porte sa croix, c’est-à-dire qu’il supporte ses tribulations, car porter signifie supporter, endurer. Qu’il reçoive avec patience, dit le Sauveur, toutes les épreuves qu’il souffre pour moi, et qu’il me suive. Où ? Où nous savons qu’il est allé après la résurrection. Car il est monté au ciel, et il est assis à la droite du Père. C’est là qu’il nous a placés nous-mêmes. Que l’espérance nous y précède, afin qu’elle soit suivie de la réalité. Vous savez comment l’espérance doit précéder, vous qui comprenez ces paroles : Elevez vos cœurs. Il nous reste à examiner, autant que Dieu nous en fera la grâce, à entrer s’il daigne nous ouvrir, à trouver s’il nous donne la lumière, et à vous expliquer ce que nous aurons pu trouver, c’est-à-dire le sens précis de cette parole : Qu’il se renonce. Comment celui qui s’aime peut-il se renoncer ? C’est le raisonnement que se fait l’esprit humain ; l’homme me demande : Comment celui qui s’aime peut-il se renoncer ? Mais Dieu, au contraire, dit à l’homme : Qu’il se renonce, s’il s’aime véritablement. C’est en s’aimant qu’il s’est perdu ; c’est en se renonçant qu’il se trouvera. Celui qui aime sa vie, nous dit-il, la perdra. Celui qui nous donne cet ordre sait ce qu’il nous commande ; il sait ce qui nous est profitable, comme ce qui peut nous instruire ; il sait comment il faut nous guérir, parce qu’il a daigné nous créer. Que celui qui aime sa vie la perde. Il est triste pour vous de perdre ce que vous aimez. Mais voyez le laboureur : ne perd-il pas ce qu’il sème ? Il prend la semence, il la répand, il la jette, il la recouvre de terre. Pourquoi vous étonner ? Cet homme qui semble ne faire aucun cas de sa semence, qui la sacrifie, est un moissonneur avare. L’hiver et l’été nous donne la justification de sa conduite ; la joie du moissonneur vous explique l’action du semeur. Il est donc vrai de dire que celui qui aime sa vie la perdra. Voulez-vous qu’elle vous produise du fruit ? Semez-la. Voilà donc pourquoi il nous est commandé de nous renoncer nous-mêmes, c’est afin que nous évitions de nous perdre en nous aimant d’un amour déréglé.