1 Corinthiens 12,31 – 13,13

La vraie charité

Saint Zénon

PL 11, 278

       D’où vient la vraie charité, où demeure-t-elle, à qui la doit-on en priorité ? Evidement à celui qui a créé l’homme, qui lui a transmis sa ressemblance comme don de perpétuelle charité, qui lui a fait présent de la sphère spirituelle, qui a soumis à son pouvoir tous les éléments du monde avec les êtres qui l’animent, qui a commandé aux années, aux mois, aux temps, aux nuits, aux jours, et surtout aux deux astres lumineux des rondes royales, d’être toujours à son service par la fête de leur alternance qui le comble de don. La charité est par définition l’amour même de Dieu, surélevant le nôtre en nous le communiquant et en le dirigeant.

       Ô charité ! Que tu es secourable, que tu es opulente, que tu es puissante ! Il ne possède rien celui qui ne te possède pas. C’est toi qui as été assez forte pour changer Dieu en un homme. Un peu amoindri, c’est toi qui l’as fait pèlerin, loin de l’immensité de sa majesté.

       C’est toi qui tient l’âme du peuple céleste quand tu disposes la paix, gardes la foi, embrasses l’innocence, cultives la prudence, aimes la patience, et montres l’espérance. Tu prends des hommes différents de mœurs, d’âges et de fortunes, seule la nature leur est commune, et tu fais d’eux un seul corps, un seul esprit.

       Pour vêtir celui qui est nu, tu sais, toi, ô charité, te réjouir d’être nue. Ta faim, pour toi, est nourriture succulente : si un pauvre affamé mange ton pain, c’est ton compte que de posséder au profit de la miséricorde tout ce que tu as. Toi seule, tu ne sais pas te faire prier pour donner. Si tu rencontres des opprimés, quelle que soit leur angoisse, tu les en arraches aussitôt, fût-ce à tes dépens. Tu es l’œil des aveugles, et le pied des invalides. Tu es le très fidèle bouclier des veuves ; pour les orphelins, tu es père et mère plus que leurs propres parents. Partageant le malheur ou la joie, tu ne restes jamais les yeux secs. Tu aimes tes propres ennemis au point que nul ne puisse les discerner de ceux qui te sont chers.

       En toi se rejoignent les mystères : ceux du ciel et ceux de l’homme. Tu es la garde des mystères divins ; dans le Père, tu commandes ; dans le Fils, tu t’obéis à toi-même ; dans l’Esprit-Saint, tu exultes. Etant une dans les trois Personnes, tu ne souffres aucune division. Nulle querelle de la mesquinerie humaine ne t’émeut. De la source du Père, tu te répands tout entière dans le Fils, et ainsi répandue tu ne t’éloignes cependant pas. C’est à juste titre qu’on t’appelle Dieu, car toi seule mets en mouvement la puissante vie trinitaire.