1 Corinthiens 14, 1-19

Les dons de glossolalie et de prophétie

Père Jean Cantinat

Charismes et bien commun de l’Eglise, BVC 63, p. 17s

       C’est bien par opposition au don de glossolalie que Paul vient de recommander le don de prophétie. Il ne parle plus, effectivement, pour les comparer, que de ces deux charismes, jusqu’à la fin du chapitre. L’insistance qu’il va mettre à souligner l’infériorité de la glossolalie porte à croire que les chrétiens de Corinthe convoitaient démesurément ce don, peut-être parce qu’il leur rappelait certaines exaltations des cultes païens, peut-être aussi parce qu’il se prêtait plus aisément à la simulation et qu’il leur procurait un beau prestige personnel ? La vanité était grande chez ces chrétiens.

       Nous aimerions avoir une véritable définition de la glossolalie. Paul ne la donne pas, pas plus que le livre des Actes ou les anciens écrivains ecclésiastiques. Force nous est de la déduire des descriptions qui nous en sont fournies. Observons d’abord que c’est nous qui avons forgé le mot de glossolalie. Paul, comme Luc dans les Actes, ne mentionne que le parler en langue, sans doute plus un miracle d’élocution que d’audition. On tend aussi de plus en plus à croire que la glossolale ne tenait pas un discours suivi en langue étrangère, mais qu’il émettait, en une sorte d’extase, des mots étrangers plus ou moins articulés et sans lien logique, mots cependant dont la valeur de prière et d’action de grâces restait quelque peu reconnaissable.

       Paul n’ignore pas l’excellence de la glossolalie, dès lors qu’il en affirme l’origine divine, et qu’il connaît sa valeur de prière face à Dieu. Il ne déprécie pas ce charisme en lui-même ; il ne le fait que par rapport à celui de prophétie, dans la mesure où il est moins utile au bien commun de l’Eglise, lorsque son bénéficiaire, au lieu de parler de manière profitable aux hommes, ne leur dit que des choses mystérieuses, incompréhensibles.

       Le chrétien qui prophétise parle, lui, un langage que les hommes saisissent, il se fait comprendre de l’assemblée liturgique. Ce qu’il dit, sans doute sous forme de prédication inspirée, édifie, exhorte et console les croyants à la manière des catéchistes ordinaires. Il peut même à l’occasion prédire l’avenir, lire dans les cœurs, et juger de la valeur des autres prédications inspirées. Il est donc plus utile que le glossolale qui n’édifie que lui seul. Ailleurs le Nouveau Testament distingue, de ces charismes passagers, pris dans la masse des priants, certains personnages dotés de façon permanente du titre de prophètes, véritables chefs de communauté avec les apôtres.