1 Corinthiens 14, 20-40

Le sens divin du bien

Saint Martin de Léon

Sermon 8, PL 209, 119

       Je vous donne ce conseil pour votre salut, frères bien aimés ; acceptez d’entendre ces paroles du très sage Salomon : Le sens du bien, chez un homme, voilà ses cheveux blancs, et une vie sans tache est l’âge de la vraie vieillesse.

       On ne doit donc pas appeler ancien l’homme qui est avancé en âge, mais celui qui est parfait parce qu’il a le sens divin du bien. Car la vieillesse vénérable n’est pas celle qui se prolonge ou qui se compte en nombre d’années, mais une vie innocente qui plaît à Dieu. Nul ne s’est dégagé de l’âge puéril si, manquant du sens divin du bien, il est enfantin et léger. D’où ce mot de l’Ecriture : Maudit soit l’enfant centenaire ! Au contraire, si quelqu’un est enfant par l’âge, mais grand par le sens divin du bien, on doit le ranger non parmi les jeunes, mais parmi les anciens. C’est ainsi que nous lisons de Daniel : Il était jeune par l’âge, mais ancien par la science et par la douceur. David, lui aussi, enfant quant à l’âge et parfait quant au sens du bien, tenait son cœur et son esprit fixés dans le Seigneur ; pour cela, il fut élevé à la dignité de roi, tandis que Saül, ancien par l’âge, mais qui avait en lui une grande malveillance et une légèreté enfantine, fut chassé du trône royal. Et si nous regardons l’histoire de Notre Seigneur, il est crucifié par des anciens, mais, quand il entre à Jérusalem, il est acclamé par des enfants. Et l’arbre, si, après des années, n’a pas de fruit, on le coupe ! Mais s’il est jeune et fécond, on le cultive afin qu’il porte encore plus de fruits.

       Donc, frères bien aimés, nous vous avons proposé ces comparaisons afin que, nul de vous, jeune ou âgé, ne présume de sa force, ou ne se confie en ses œuvres, mais que toujours il craigne de déplaire à Dieu en quelque action. Et que, suivant les cas, il se fasse enfant pour entrer dans le Royaume des cieux, ou bien, comme dit saint Paul, qu’il soit adulte par la justesse des pensées, et que toujours il serve Dieu et adhère à lui, comme c’est le devoir de tout homme, mais surtout des vieillards déjà si proches de la tombe et pour qui la fleur de l’âge, celle du siècle présent, est déjà fanée.