Luc 15, 1-32

La tendresse de Dieu

Saint Jean Chrysostome

Homélies sur la pénitence, 1ère homélie, OC 3, p. 409s

        Dans la terre étrangère où il s’est retiré, le prodigue ayant appris par sa propre expérience la triste condition de ceux qui sont exilés, revient vers son père. Celui-ci, au lieu de lui témoigner du mécontentement, le reçoit à bras ouverts. Pourquoi à bras ouverts ? Parce qu’il le reçoit en père et non en juge. Des chants, des réjouissances, un festin eurent lieu alors : toute la maison était resplendissante de joie. Qu’est-ce à dire ? Est-ce ainsi qu’on fête l’iniquité ? Ce n’est point le criminel, l’homme que l’on fête, mais son retour ; ce n’est pas son péché, mais son repentir ; ce n’est pas sa perversité, mais sa conversion. Ce qu’il y a de surprenant, c’est le fils ainé indigné par toutes ces démonstrations, et son père lui-même s’efforçant de le calmer par ces paroles : Pour toi, mon fils, tu es toujours avec moi. Mais ton frère était perdu, et il est retrouvé ; il était mort, et il est ressuscité. Lorsqu’il s’agit de sauver ce qui se perd, ce n’est pas le temps du jugement, ni de se livrer à une enquête minutieuse, mais uniquement le temps de la charité et du pardon. S’il faut une punition, ton frère a été suffisamment puni par son séjour en terre étrangère où il a bien souffert, assailli par la faim, le déshonneur, et des maux des plus cruels. Aussi ai-je raison de dire qu’il était perdu et qu’il est retrouvé, qu’il était mort et qu’il est rendu à la vie. Ne t’arrête pas à ce qui se passe aujourd’hui, mesure plutôt le nombre de ses précédentes misères ; tu as devant toi un frère et non un étranger. Ton frère est revenu à moi, son père, qui ne peut se souvenir un seul instant de ses fautes, car mes pensées remplissent mon cœur de la pitié, de la tendresse, de la miséricorde, de l’indulgence, des pensées qui conviennent à des entrailles paternelles. Voilà pourquoi je parle, non de ce que mon fils, ton frère, a fait, mais de ce qu’il a souffert ; non des biens qu’il a follement dissipés, mais des épreuves auxquelles il a été en butte.

C’est avec une tendresse égale, et même plus grande, que Dieu se met à la recherche de la brebis perdue. Là, c’est le fils qui revient ; ici, c’est le berger qui part, et qui, ayant trouvé sa chère brebis, la ramène, plus heureux de la revoir que de retrouver celles qui étaient restées au bercail : il ne l’a pas frappée, il l’a prise sur ses épaules et l’a reconduite au milieu du troupeau. Loin de faire justice à leurs égarements, Dieu se met lui-même à la recherche des âmes égarées, et leur retour à la vertu lui cause une plus douce émotion que la persévérance des justes.