Deutéronome 1, 6-18

La prise de possession du pays donné par Dieu

Père Jacques Guillet

Thèmes bibliques, p. 181s

Les expériences faites par Israël ont peu à peu chargé d’une valeur très riche les mots de la vie. La vie divine est accessible à tout Israélite à condition qu’il sente en lui l’action d’une force intérieure qui le transforme et qu’il parvienne à une vie supérieure à l’existence ordinaire. Pour cela, Israël suivît un itinéraire exceptionnel : la vie fut d’abord pour le peuple hébreu la vie sur la terre promise.

Cette terre fut son héritage. L’histoire de la conquête, telle que la transmettait la tradition d’Israël, contribuait à l’ancrer dans sa foi, à lui montrer qu’une initiative souveraine de Dieu l’avait, sans qu’il y fût pour rien, mis en possession de sa patrie. La conscience de cette gratuité persiste à travers tout l’Ancien Testament. Le mot consacré pour la désigner est le verbe hébreu yarach, qui ne désigne pas une conquête par les armes, mais une prise possession, souvent même la dépossession du propriétaire antérieur au profit de son successeur, et presque toujours l’entrée en possession d’un bien sur lequel on n’avait aucun titre.

Le Deutéronome a consacré cet emploi de yarach pour désigner la prise de possession de la Palestine par Israël ; il souligne une idée qui lui est chère : la Palestine est le pays où tout est gratuit, où l’on trouve tout prêt à vous recevoir : grandes et bonnes villes que tu n’as pas bâties, maisons pleines de toutes sortes de biens que tu n’as pas remplies, citernes que tu n’as pas creusées, vignes et oliviers que tu n’as pas plantés.

Le Deutéronome n’est d’ailleurs pas l’inventeur de ces perspectives. Bien avant lui, l’un des récits anciens de l’histoire d’Abraham est construit sur le mot yarach ; il y revient par cinq fois en quatre versets. Là, il a le sens précis d’héritier : Abraham vieillit sans enfants, son héritage va passer à un étranger ; sera-ce lui qui recueillera l’héritage promis par Dieu ? Sans fournir de précision, Dieu se contente de confirmer que l’héritage est bien destiné à lui et à sa descendance. Toute pensée de conquête, ou même d’initiative personnelle, est ici évacuée. C’est plus que la gratuité, c’est la pure attente du geste divin.