Hébreux 6, 9-20

Promesse de Dieu et espérance

Père Jacques Guillet

Thèmes bibliques, Thème de l’espérance, p. 160s

         L’on considère parfois la religion d’Israël comme une religion intéressée, dont la morale repose sur la stricte application d’un contrat quasi commercial : donnant-donnant. Cette vue n’est pas entièrement fausse, mais elle demeure très superficielle.

        Un premier signe nous avertit : c’est l’absence à peu près totale de la récompense. Il n’y a aucun mot technique pour désigner le « mérite », la récompense de la bonne action. Le terme qui désigne le salaire est très rarement employé pour indiquer une récompense morale. Il reste toujours compris comme une métaphore. S’il garde très accusé son sens originel de compensation pour la peine prise, il est loin de proposer des calculs et des comptes. La prière de Booz à Dieu en faveur de Ruth : Que Dieu te rende ce que tu as fait, et que ta récompense soit pleine, traduit l’admiration d’un cœur noble devant la générosité désintéressée de Ruth. Et la promesse de Dieu à Abraham : Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande, loin de proposer des compensations fructueuses, invite à l’espérance la plus dépouillée des rêves humains.

        A la vérité, l’idée de rétribution est fréquente dans la Bible, mais il est très  rare qu’il s’agisse de récompenses. Le plus souvent, ce sont les pécheurs qui doivent recevoir le châtiment de leurs fautes, les ennemis d’Israël qui doivent expier leur conduite envers le peuple de Dieu : Prenez courage, ne craignez point, voici votre Dieu ; la vengeance vient, une revanche divine, il vient lui-même et vous sauvera.

        Tel est le Dieu de l’Ancient Testament, « le Dieu des représailles », le Dieu « dont la générosité s’étend à des milliers mais qui rembourse aux enfants les fautes de leurs pères ». L’opposition est parfaitement nette entre la gratuité du pardon et le remboursement quasi mathématique de la faute. Envers ceux qu’il punit, Dieu fait des calculs, mais il ne tient pas de comptes avec ceux qu’il aime.

        Il n’empêche que, pour un Hébreu, la vertu doit trouver sa récompense. Et tout semble indiquer que cette récompense n’est pas à attendre dans un autre monde, mais à poursuivre sur la terre.

        Les premières promesses faites à Abraham ont pour objet la possession de la Palestine. Originellement, comme l’a justement remarqué saint Paul, cette promesse n’est pas liée à un commandement quelconque dont elle serait la récompense. La récompense est dans la foi même qui adhère à la parole de Dieu.