Jean 20, 11-18

L’apparition du Ressuscité à Marie-Madeleine

Saint Augustin

Traité 121 sur l’évangile de saint Jean, OC 10

        Femme, pourquoi pleures-tu ?, demandent les anges ; Marie-Madeleine répondit : Parce qu’on a enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l’a mis. Les anges lui défendaient de pleurer : qu’annonçaient-ils alors, sinon une joie mystérieuse toute proche ? Ils lui dirent : Pourquoi pleures-tu ?, ce qui revient à dire : ne pleure pas. Mais elle, pensant qu’ils l’avaient interrogée par ignorance, leur révèle la cause de ses larmes : Parce qu’ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l’ont mis. Telle était la cause principale de sa douleur : elle ne savait où aller pour soulager sa peine. Mais l’heure était déjà venue où, comme l’avaient mystérieusement annoncé les anges en lui défendant de pleurer, la joie succéderait aux larmes.

        Après ces paroles, elle se retourna et vit Jésus qui se tenait là, sans savoir que c’était lui. Jésus lui dit : ‘Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?’ Le prenant pour le jardinier, elle lui répondit : ‘Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai’. Jésus lui dit : ‘Marie !’ Elle se retourna et lui dit : ‘Rabbouni !’

        Personne ne peut blâmer Marie-Madeleine d’avoir appelé le jardinier ‘Seigneur’, et Jésus ‘Maître’. Car, dans le premier cas, elle posait une question, dans le second, elle reconnaissait Jésus : là, elle honorait un homme à qui elle demandait un service, ici elle se rappelait celui qui, disait-elle, lui avait enseigné à distinguer les choses humaines des choses divines. Elle appelait Seigneur celui dont elle n’était pas la servante, pour parvenir grâce à lui au Seigneur dont elle était la servante.

        Les prophètes eux aussi ont appelé Seigneur de simples hommes. Mais c’est en un autre sens qu’ils l’ont appelé Seigneur celui dont il est écrit : Son nom est Seigneur. Quant à Marie-Madeleine, elle s’était déjà retournée et avait vu Jésus : puisque, pensait-elle, c’était le jardinier et plus encore puisqu’elle lui parlait, comment peut-on dire qu’elle se retourna de nouveau en l’appelant : Rabbouni ? C’est que la première fois son corps s’était retourné, et elle crut que ce n’était pas vrai, mais maintenant son cœur aussi s’est retourné, et elle reconnut ce qui était vrai.