Genèse 25, 7-11+19-34

Isaac et ses fils

Saint Augustin

De la Cité de Dieu, XVI, 35, p. 303s

        Isaac avait demandé à Dieu la fécondité pour sa femme qui était stérile ; le Seigneur lui avait accordé ce qu’il demandait : Rébecca conçut et voici que des jumeaux s’agitaient encore enfermés dans son sein. Tourmentée par cette gêne, elle interrogea le Seigneur qui lui répondit : Deux nations sont dans ton sein ; sortant de tes entrailles, deux peuples se sépareront : l’un triomphera de l’autre et l’aîné sera soumis au plus jeune. L’apôtre Paul veut voir là une preuve insigne de la grâce : avant même leur naissance, avant toute action bonne ou mauvaise de leur part, donc sans aucun mérite, le plus jeune est élu, l’aîné est réprouvé.

        Isaac n’eut pas d’autre épouse que Rébecca, ni aucun concubine, se contentant d’avoir pour enfants les deux jumeaux nés du même lit. Pourtant nous ne devons pas le préférer à son père Abraham parce qu’il n’eut pas d’autre femme que son épouse, ce qui n’est pas le cas de son père : sans aucun doute, les mérites de la foi et de l’obéissance paternelles furent supérieurs aux siens, à tel degré que c’est à cause du père que Dieu déclara faire au fils tout le bien qu’il lui faisait : En ta postérité, dit-il, seront bénies toutes les nations de la terre, parce qu’Abraham, ton père, a entendu ma voix, et a gardé mes commandements, ma justice et mes lois.

        Par-là, nous devons apprendre à ne pas comparer les hommes entre eux quant aux vertus particulières : il faut considérer l’ensemble en chacun. Car il peut se faire que, dans sa conduite, un homme l’emporte sur un autre par quelque mérite, et ce mérite peut être très supérieur à celui par lequel un autre le dépasse.

        Les deux fils d’Isaac, Esaü et Jacob grandirent pareillement. La primauté de l’aîné passa au plus jeune à la suite d’un accord consenti entre eux : des lentilles ayant été préparées par le plus jeune, l’aîné les convoita immodérément ; à ce prix, il vendit à son frère ses droits de premier-né en y ajoutant le serment. Ce qui nous apprend que, dans la nourriture, ce n’est pas la qualité de l’aliment, mais l’excès de l’avidité qui est blâmable.