Matthieu 13, 24-43

Vitalité du Royaume

Saint Hilaire de Poitiers

Sur Matthieu, tome I, SC 254, p. 295s

          Le Royaume des cieux est semblable à un grain de sènevé. Le Seigneur s’est comparé au grain de sènevé, très vivace et la plus petite de toutes les semences, douée d’une force et d’une puissance qu’attisent les tribulations et les pressions. Comme ce grain a été semé dans un champ, c’est-à-dire quand, ayant été arrêté par le peuple et livré à la mort, le Seigneur a été enseveli dans un champ où son corps est en quelque sorte semé, il dépasse en croissance la taille de tous les légumes et s’élève au-dessus de toute la gloire des prophètes. Comme une plante, la prédication des prophètes a été administrée à Israël tel à un malade. Mais maintenant les branches de l’arbre se dressant du sol vers le ciel donnent une habitation aux oiseaux du ciel. Ces branches, nous les comprenons comme signifiant les apôtres qui se déploient à partir de la puissance du Christ et étendent leur ombre sur le monde : vers eux les païens voleront dans l’espérance de la vie et se reposeront, comme sur les branches d’un arbre, de la fatigue  des vents tourbillonnants qui sont le souffle et l’haleine du diable.

            Le Royaume des cieux est semblable au levain qu’une femme a pris et a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que tout soit fermenté. Le levain est tiré de la farine, tandis qu’il rend à sa masse d’origine la force qu’il en a reçue. Le Seigneur s’est comparé au levain qu’une femme, entendons la synagogue, a pris et a caché par un arrêt de mort, accusant les Evangiles de détruire la Loi et les prophètes. Ce levain, recouvert de trois mesures de farine, c’est-à-dire de la Loi, des prophètes et des Evangiles à égalité, fait de leur ensemble une seule chose, de sorte que ce que la Loi  a fixé, ce que les prophètes ont annoncé soit précisément accompli par le progrès des Evangiles. Tout prend par l’Esprit de Dieu même force et même disposition d’esprit et l’on ne trouvera pas de division entre l’un ou l’autre des éléments qui ont fermenté selon des mesures égales.

            Je pourrais cependant rappeler que, de l’avis de plus d’un, c’est au mystère de la foi, c’est-à-dire à l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et également à la vocation des trois peuples issu de Sem, Cham et Japhet, que doivent être rapportées les trois mesures de farine ; mais je me demande si ces points de vue sont autorisés par la logique, étant donné que, même si la vocation de tous les peuples se fait équitablement, le Christ en eux n’est pas caché, mais montré, et que, dans une telle multitude, tout n’a pas fermenté de la même manière.