Isaïe 6, 1-13

Une figure de l’attente : Isaïe

Dom Adrien Nocent

Célébrer Jésus-Christ, L’Année Liturgique, Introduction – L’Avent, p. 178s

 

Le prophète n’est guère connu que par ses œuvres, mais elles sont si caractéristiques qu’à travers elles laissent deviner et aimer sa personne. Etonnante proximité de cette grande figure du VIIIème avant le Christ et que nous sentons au milieu de nous, quotidienne, nous dominant de sa haute stature spirituelle !

Isaïe vit à une époque de splendeur et de prospérité. Rarement les royaumes de Juda et de Samarie ont connu un  tel optimisme, et leur assiette politique leur permet des rêves ambitieux. Ce qu’il y a de religieux en eux attribue à Dieu leur fortune politique, et leur religion en attend de nouveaux succès. Au milieu de ce paradis fragile, Isaïe va se dresser courageusement et remplir sa mission : montrer à son peuple la ruine qui l’attend et que lui vaudra son insouciance.

Appartenant sans doute à l’aristocratie de Jérusalem, nourri de la littérature de ses prédécesseurs, notamment d’Amos et Osée, Isaïe prévoit, comme eux, inspiré par son Dieu, ce que sera l’histoire de son pays. Dépassant la situation présente où s’entremêlent lâchetés et compromissions, il voit le châtiment futur qui redressera les voies tortueuses.

En croyant peut-être réclamer un retour en arrière, les prophètes exigeaient un bond énorme en avant. Ces réactionnaires étaient en même temps des révolutionnaires. Tel sera Isaïe empoigné par le Seigneur l’année de la mort du roi Ozias, vers 740, alors qu’il était dans le Temple, les lèvres purifiées par une braise apportée par un séraphin. A partir de ce moment, Isaïe ne s’appartient plus. Non pas qu’il soit un simple instrument passif dans les mains de son Seigneur ; au contraire, tout son dynamisme va passer au service de son Dieu dont il devient le messager. Messager terrible qui annonce le dépouillement d’Israël auquel il ne restera guère qu’un mince souffle de vie.

Les débuts de l’œuvre d’Isaïe qui donneront naissance à la légende du bœuf et de l’âne de la crèche, marquent dès maintenant sa pensée et son rôle. Dieu est tout pour Israël, mais Israël, plus stupide que le bœuf qui reconnaît son bouvier, ignore son Dieu. Et la malédiction du prophète se fait entendre aussitôt : Les villes seront dévastées et inhabitées, les maisons seront sans personne, la campagne désertée : un grand vide se fera dans le pays.