Isaïe 42,1-8 + 49,1-9

La mission du Serviteur

Saint Grégoire de Nysse

Discours Catéchétique, n° 14, SC 453, p. 215s

 

Quelle est la cause qui a poussé la divinité à descendre et à s’abaisser ? La foi a du mal à croire que Dieu, l’infini, l’incompréhensible, l’ineffable, celui qui surpasse toute gloire et toute magnificence, ait pu se mêler à la chétive enveloppe de la nature humaine, au point d’avilir sa puissance divine par cette union avec une telle bassesse ?

Tu cherches la cause qui a fait naître Dieu parmi les hommes ? Si tu supprimais de la vie les bienfaits venant de Dieu, tu n’aurais plus rien pour te faire connaître la divinité ; car ce sont les biens reçus qui nous font reconnaître le bienfaiteur. En regardant ce qui arrive, nous comprenons par analogie la nature de celui qui agit. Et si l’amour pour les hommes est une propriété de la nature divine, tu tiens la raison que tu cherchais, tu tiens la cause de l’avènement de Dieu parmi les hommes.

Il fallait, en effet, un médecin à notre nature malade ; il fallait celui qui relève l’homme après la chute ; il fallait celui qui donne la vie pour celui qui avait perdu la vie ; il fallait celui qui ramène au bien celui qui s’était détourné de la communion avec le bien. Enfermé dans les ténèbres, l’homme avait besoin de la venue de la lumière ; captif, il cherchait le rédempteur ; prisonnier, le défenseur ; courbé sous le joug de l’esclavage, il désirait le libérateur. Ces raisons étaient-elles de trop peu d’importance ? Etaient-elles indignes d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre vers la nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité gisait dans un état si pitoyable et misérable ? Dieu, alors, parcourt des chemins longs et détournés, il se glisse dans une nature corporelle, il entre dans notre monde par sa naissance, il traverse successivement toutes les étapes de la vie, il fait même l’expérience de la mort pour atteindre son but par la résurrection de son propre corps.

Il est clair que tous les attributs proprement divins : la bonté, la sagesse, la justice, la puissance, l’incorruptibilité se manifestent dans les dispositions de l’économie divine de notre salut. La bonté se découvre dans la volonté de sauver ce qui était perdu ; la sagesse et la justice se montrent dans la forme même qu’a prise notre salut. Sa puissance, Dieu l’a fait voir en devenant à la ressemblance et à l’image de l’homme, selon la bassesse de notre nature. Il a même laissé supposer qu’à la ressemblance des hommes, il pourrait être dominé par la mort. Sa puissance, il l’a fait éclater enfin, lorsque, étant tombé effectivement au pouvoir de la mort, il a fait ce que lui seul pouvait faire, du fait de sa nature divine : il a détruit la mort. Et sa résurrection de la mort devient pour la race mortelle le principe de la résurrection pour la vie éternelle.