Luc 2, 22-40

« Serrons-le en nos bras »

Origène

Homélie 15 sur saint Luc, Mystère de Noël n° 8, p. 216s

 

           Siméon avait reçu de l’Esprit-Saint la promesse qu’il ne mourait pas avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Que lui rapporta la vue du Christ ? Avait-il reçu la simple assurance de le voir sans en tirer nul profit ? Ou bien cette promesse recèle-t-elle une faveur véritablement divine que Siméon obtint par ses mérites ? Que devons-nous penser de Siméon qui a pris l’enfant sur son sein, l’a serré en ses bras, et a connu la joie merveilleuse de porter le petit enfant qui venait libérer des prisonniers, et le libérer lui-même des nœuds de la chair ? Il savait que nul ne pouvait faire sortir qui que ce soit de la prison du corps avec l’espoir de la vie future, excepté celui qu’il tenait entre ses bras. Aussi dit-il : Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la paix.

Tant que je ne portais pas le Christ, tant que je ne le serrais pas en mes bras, j’étais prisonnier, impuissant à sortir de mes chaînes. Et sachons que tout cela n’est pas vrai que de Siméon, mais de tout le genre humain : nous retirons-nous de ce monde ? Quittons-nous le cachot où nous étions détenus ? Voulons-nous accéder au Royaume ? Prenons Jésus en nos mains, enserrons-le de nos bras, prenons-le sur notre cœur : alors, emplis de joie, nous pourrons aller où nous le désirons.

Si tu viens au temple, mené par l’Esprit, tu trouveras le petit enfant Jésus, tu l’élèveras en tes bras et diras : Maintenant, Seigneur, renvoie en paix ton serviteur, selon ta promesse. Remarque ici que la paix accompagne ce congé, cette libération. Il ne dit pas : Je veux être renvoyé, mais avec un mot de plus : Je veux être renvoyé en paix. La même faveur fut promise à Abraham : Tu iras en paix, rassasié d’années, auprès de tes pères. Qui peut mourir en paix, sinon celui qui a la paix de Dieu, qui surpasse toute idée et qui garde le cœur de son maître ? Qui sort en paix de ce monde, sinon celui qui comprend que, dans le Christ, Dieu se réconcilie le monde, qui n’éprouve aucune hostilité à l’égard de Dieu, mais a réalisé par sa bonté, toute paix et toute concorde ? Ainsi retourne-t-il en paix, auprès de ses pères, où le saint Abraham aussi est parti. Et pourquoi parler des pères ? C’est vers le Prince en personne, et le Seigneur des patriarches qu’il part, vers Jésus dont il est dit : Mieux vaut s’en aller pour être avec le Christ. Celui-là possède Jésus, qui sait dire : Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.

Tenons-nous, nous aussi, debout dans le temple, prenons le Fils de Dieu en nos bras, rendons-nous dignes de la rédemption et de l’accès à une vie meilleure, prions le Dieu tout-puissant ainsi que Jésus, le petit enfant, à qui nous aimerions parler et que nous désirons serrer en nos bras. A lui, la gloire et l’empire aux siècles des siècles. Amen.