Jean 12, 24-26

La fécondité par la chute en terre

Père Xavier Léon-Dufour

Lecture de l’évangile selon Jean, tome II, p. 462s

 

          L’image du grain de blé est familière du Nouveau Testament. A travers elle, Paul, dans la première lettre aux Corinthiens, signifie la transformation des corps lors de la résurrection finale ; Jésus l’utilise dans les paroles du Royaume des cieux. Mais, tandis que dans la parabole du semeur, la semence est la parole du Christ, chez Jean, dans le contexte de l’Heure, le grain est identifié au Christ lui-même. Dans cette petite parabole, Jésus traduit le il faut de la Passion en le motivant par le fruit à porter : le grain qui meurt ne reste pas seul, c’est-à-dire solitaire, mais il produit d’autres grains en abondance ; la glorification est décrite à travers cette multiplication.

          Elargissant son champ de vision, le lecteur ne peut pas ne pas entendre dans cette parole sur le grain de blé une allusion au pain de la vie qu’est Jésus lui-même, au pain qu’est sa chair donnée pour la vie du monde. A partir d’une loi de la création, Jésus signifie le mystère par lequel se réalise la création nouvelle, et ce mystère vaut aussi pour le croyant qui, uni à Jésus, portera beaucoup de fruits.

          Le principe énoncé ainsi à propos de Jésus même pouvait déjà s’appliquer au croyant, c’est ce que fait le verset suivant lequel répercute en un langage différent la même loi pour ce dernier. Cet enseignement présenté dans ce verset se trouve à cinq reprises dans la tradition synoptique où une parole de Jésus a été diversement transmise, et la précision à cause de moi signale que la sentence concerne le chrétien. La formulation de Jean prend la forme d’un principe qui, s’il vise manifestement le disciple, peut aussi s’appliquer à Jésus lui-même. En ce sens il redouble la parole sur le grain de blé quant à la nécessité de mourir, ici de mourir à soi-même.

          Si je ne m’agrippe à l’existence terrestre, si j’accepte de m’ouvrir à l’Autre qui est Dieu et donc de mourir à ce qui me replie sur moi-même, voici que cette mort n’est autre qu’une extase, et mon existence ainsi ouverte se maintient pour de bon, selon Jésus, en vie éternelle. On sait que pour Jean la vie éternelle est la communion avec Dieu même.