1 Corinthiens 7, 25-40

« La figure de ce monde passe »

Jacques Roi

Du temps, de l’instant et de l’éternité, BVC 90, p. 76s

           

          Avec l’aide de la grâce, le chrétien trouve Dieu en lui-même, dans ses actes de foi vivante – que ce soit dans la prière ou le don de lui-même aux vivants – il se choisit, il s’établit en ce qu’il a d’infini et d’éternel. Le rapport à l’absolu devient lui-même un absolu, car la charité est de même nature que l’éternité qui est le véritable présent. Tout ce qui a une valeur absolue, et c’est le cas de la charité, s’installe aussitôt dans l’absolu.

          Le plus souvent, on définit l’éternité comme une durée qui n’a pas eu de commencement et n’aura pas de fin ; elle n’aurait aucun rapport avec le temps étant la négation de toute succession. Comme nous n’avons d’expérience que du temps, l’éternité nous paraît alors un vrai mystère, si ce n’est une chimère.

          Cependant, ainsi que l’a montré Louis Lavelle, l’éternité n’est pas au-delà du temps, mais le support du temps ; au lieu d’imaginer une séparation entre le temps et l’éternité, il faut au contraire considérer toute existence temporelle comme impliquant une sorte de circulation dans l’éternité. Le temps lui-même ne peut naître que de l’éternité et dans l’éternité elle-même. Le temps se déploie dans l’intérieur de l’éternité. Il est le moyen par lequel Dieu fait jaillir sans cesse des exigences nouvelles. L’éternité de Dieu, c’est une création continue ; Dieu ne cesse d’agir, car il est acte pur. Son éternité soutient et dirige par sa providence tout ce qui se passe dans le monde. L’éternité ne détruit pas le temps, mais l’accomplit. La vie éternelle de Dieu ne cesse d’agir, de se renouveler pour ainsi dire, sans jamais parvenir à s’épuiser, dans un amour inlassable.

          Ainsi dans son acte éternel, Dieu nous communique sa vie. A nous de la faire croître en nous. Notre vraie vie est assurée dès maintenant si nous y adhérons d’un acte libre qui nous fait communiquer avec l’éternité de Dieu.

          Le ciel ne sera rien d’autre que la manifestation totale et joyeuse de ce que nous sommes déjà selon la similitude que nous avons avec notre Père. Le ciel ne changera rien à la nature de l’union que nous avons déjà avec Lui, il deviendra le dévoilement dans la gloire de Celui qui Est. La foi cessera quand arrivera la vision. Mais ce qui s’y trouvait de connaissance ne cessera pas : c’était déjà du définitif et de l’éternel dans temps.