Deutéronome 26, 1-19

« Mon père était un Araméen errant »

Père Paul Dreyfus

De la Tôrah au Messie, p. 153s

 

          Mon père était un Araméen errant. Tel est le sens obvie de l’hébreu, retrouvé d’abord par l’exégèse juive du XII° siècle, puis chrétienne du XVI° siècle, aujourd’hui unanimement reconnue. Mais depuis le III° ou le IV° siècle avant notre ère jusqu’au XII° siècle, juifs et chrétiens avaient compris la phrase en sens inverse : L’Araméen chercha à perdre mon père. Ce père étant Jacob ; l’Araméen serait alors Laban, quand il poursuivait son gendre, parti avec les deux filles qu’il lui avait donné, Léa et Rachel, ses enfants et tous ses troupeaux.

          Avec l’introduction : L’Araméen voulut tuer mon père, le « petit Credo » du Deutéronome que nous venons de lire recevait une dimension nouvelle qui favorisait son actualisation à toutes les étapes du peuple de Dieu. La sortie de l’Egypte, qui était le centre de cette profession de foi, les versets 6 à 8, était arrachée à sa contingence événementielle pour devenir une constante de l’histoire d’Israël. Ce n’était plus seulement un événement isolé, singulier, mais le deuxième épisode de l’histoire d’une délivrance qui avait commencé avec Jacob sauvé de la mort que Laban voulait lui faire subir. Cette présentation peut s’appuyer sur le Pentateuque lui-même où l’on discerne un parallèle voulu entre Jacob et Laban d’un côté, et Moïse et Pharaon de l’autre. On voit dès lors la richesse doctrinale de cette interprétation qui fait de ce petit « Credo » (Deutéronome 26,5-10) une clef donnant le sens de tous les épisodes où Israël a été sauvé par Dieu de l’anéantissement menaçant. Ceci est exprimé en clair dans la Haggada pascale dans une phrase qui figure dans le texte le plus ancien que nous possédons : « Car ce n’est pas un seul homme qui s’est dressé contre nous pour nous exterminer, mais dans chaque génération se sont levés des hommes pour nous exterminer et le Saint, béni soit-il, nous a délivrés de leurs mains ». Cette phrase permet d’actualiser la célébration pascale de la sortie d’Egypte. Les épreuves actuelles ne sont que les dernières en date d’une longue série de malheurs qui ont commencé avec Jacob. Dieu nous sauvera comme il l’a toujours fait et ce salut est le gage du salut définitif que nous attendons. Ainsi peut être exécutée cette prescription très ancienne de la Haggada pascale, déjà reproduite dans la Mishna : « Dans chaque génération, tout homme doit se considérer comme étant lui-même sorti d’Egypte.