Matthieu 26, 14-25

« Le disciple que Jésus aimait »

Rupert de Deutz

Commentaire de l’évangile de saint Jean, PL 169, colonne 686

 

          Ce disciple, bien-aimé entre tous, est seul à dire, en parlant de lui-même, que le Seigneur Jésus l’aimait, et, qu’à ce moment-là de la Cène, il reposait sur la poitrine du Maître, par une prorogative de tendresse. Pourquoi le dit-il, sinon pour confirmer, par l’autorité d’un témoin, c’est-à-dire de lui-même, Jean, le présent évangile, qui est un témoignage nécessaire à notre foi et à notre salut ? Car, si tous les écrivains évangéliques, je veux dire les quatre que la Sainte Eglise reconnaît, Matthieu, Marc, Luc et Jean, sont des témoins valables, il est, certes, interdit de mettre en doute leur témoignage, ce disciple, pourtant, est particulièrement digne de foi, lui qui fut témoin oculaire de la vérité qu’il annonce, témoin privilégié entre autre de la Transfiguration du Seigneur avec deux autres disciples, témoin aussi avec les deux mêmes autres apôtres de la profonde détresse du Seigneur au jardin de Gethsémani, au point de reposer sur la poitrine du Christ comme son familier, son préféré, admis plus que tous les autres mortels à approcher de ce Verbe qui, jailli du cœur du Père et incarné, avait décidé de résonner très haut par les paroles et les écrits de Jean.

 

          Celui qui aime la pureté du cœur aura le Roi pour ami, peut-on lire dans le livre des Proverbes (22,11). Pour l’éminente beauté de sa chasteté et de son amour pour le Seigneur, Jean fut jugé digne de boire, à la source même du Cœur du Christ, la divinité et les secrets éternel de ce même Verbe et Principe. L’un des disciples, celui que Jésus aimait, reposait, ditil, sur sa poitrine. A cette très haute vérité, il lui donne la parure de l’humilité en ne disant pas Je reposais, mais en disant l’un des disciples. De même quand il dit le disciple que Jésus aimait, et qu’il ne donne pas le motif de cette prédilection, ce que nous aurions aimé connaître, parce qu’il veut penser seulement à la grâce spontanée de Celui qui l’aime.