Jean 18,1 – 19,42

La Passion du Christ

Saint Léon le Grand

Sermon 4, 1-2 sur la Passion du Seigneur, SC 74 bis, p. 65s

 

          Jésus Christ, Fils de Dieu, fut attaché à la croix qu’il avait portée lui-même ; et l’on crucifia aussi deux larrons, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Ainsi dans le spectacle  qu’offrait son gibet, était montrée la séparation qui sera opérée entre tous les hommes lors de son jugement. En effet, la foi du larron croyant préfigurait ceux qui seront sauvés, tandis que l’impiété du blasphémateur préfigurait la condition des damnés.

          La Passion du Christ contient donc la grâce de notre salut, et, de l’instrument de supplice que lui avait préparé l’iniquité des Juifs, la puissance du Rédempteur a fait pour nous un degré vers la gloire ; cette Passion, le Seigneur Jésus l’a embrassée pour le salut de tous les hommes, au point que, fixé au bois par les clous, il suppliait la clémence du Père en faveur de ses meurtriers, en disant : Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.

          Mais les princes des prêtres pour qui le Sauveur demandait l’indulgence, rendaient plus cruel le supplice de la croix par l’aiguillon de leurs moqueries ; sur celui que leurs mains ne pouvaient plus atteindre, ils lançaient les traits de leurs langues : Il en a sauvé d’autres, et il ne peut se sauver lui-même ! S’il est roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Ô Juifs, à quelle source d’erreur, à quelle citerne d’envie, avez-vous bu le poison de pareils blasphèmes ? Quel maître vous a appris, quelle doctrine vous a persuadés qu’il vous fallait croire celui-là roi d’Israël, celui-là Fils de Dieu, qui ne se laisserait pas crucifier ou se libérerait en arrachant son corps à la transfixion des clous ? Cela, ni les mystères de la loi, ni les rites sacrés de l’observance pascale, ni jamais aucun oracle d’un prophète ne l’ont annoncé ; mais vous avez lu en toute vérité et abondamment ce qui concerne la détestable impiété de votre crime et la passion que le Seigneur a volontairement acceptée. Lui-même, en effet, parle ainsi par la bouche d’Isaïe : J’ai tendu mon dos aux coups, mes joues aux soufflets, je n’ai pas soustrait ma face aux outrages et aux crachats.