Luc 24, 35-48

« Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit »

Guerric d’Igny

Sermons, SC 202, 1er sermon sur la résurrection du Seigneur, p. 222s

 

          Quand le Seigneur vint à eux, portes closes, et se tint debout au milieu d’eux, ils furent troublés et effrayés croyant voir un esprit ; Le Seigneur souffla sur eux et leur dit : Recevez le Saint Esprit. Puis il leur envoya  du ciel le même Esprit, mais par l’effet d’un nouveau don. Ce sont ces dons qui furent pour eux les témoignages et les preuves indubitables de sa résurrection et de son retour à la vie.

          C’et l’Esprit, en effet, qui témoigne, d’abord dans le cœur des saints, puis par leur bouche que le Christ est la vérité, la vraie résurrection et la vie. C’est pourquoi les apôtres, qui étaient d’abord restés dans le doute même après avoir vu son corps vivant, rendirent témoignage avec une grande force à sa résurrection, lorsqu’ils eurent goûté l’Esprit vivifiant. Il est donc bien plus avantageux de concevoir Jésus dans son cœur que de le voir de ses yeux ou de l’entendre parler, et l’opération du Saint Esprit est beaucoup plus puissante sur les sens de l’homme intérieur, que l’impression des objets corporels sur ceux de l’homme extérieur. Quelle place en effet reste-t-il au doute, lorsque celui qui témoigne et celui qui reçoit ce témoignage ne sont qu’un seul et même esprit ? S’ils ne sont qu’un seul et même esprit, ils ont également un seul sentiment et un seul assentiment.

          Alors, me semble-t-il, chacun dira : Le Christ est vivant : cela me suffit ! Car pour moi, vivre, c’est le Christ, et mourir m’est un gain. J’irai donc en Galilée, jusqu’à la montagne indiquée par Jésus, et je le verrai et l’adorerai avant de mourir, pour ne plus jamais mourir par la suite. Quiconque en effet voit le Fils et croit en lui, a la vie éternelle, et fût-il mort, il vivra.

          Maintenant donc, frères, en quoi la joie de votre cœur est-elle un témoignage de votre amour du Christ ? Pour moi, voici ce que je pense ; à vous de voir si j’ai raison : si jamais vous avez aimé Jésus, vivant, mort, puis rendu à la vie, en ces jours où, dans l’Eglise les messagers de sa résurrection annoncent celle-ci et la proclament d’un commun accord et à tant de reprises, votre cœur se réjouit au-dedans de vous et dit : On me l’a annoncé, Jésus, mon Dieu, est en vie. Vous serez en droit de reconnaître que votre esprit a pleinement recouvré la vie dans le Christ, si vous pouvez dire avec une conviction intime : Cela me suffit si Jésus est vivant.