1 Jean 3, 18-24

Le Saint-Esprit dans l’amour fraternel

Frère M. Mellet

Saint Augustin, prédicateur de la charité fraternelle, VS 74 (1946), p. 84s

 

          Au sentiment d’Augustin, la grande affaire est d’aimer ses frères. Dans l’Eglise, l’amour fraternel nous tient unis aux autres membres du Christ, et nous assure notre appartenance vivante au Christ. Que pouvons-nous ajouter à l’exceptionnelle urgence de la charité dans le Christianisme ? Le vœu de Philippe : Nous voulons voir le Père. Après quoi, il n’y a plus rien à désirer. La charité fraternelle peut-elle dépasser les étapes visibles de son itinéraire terrestre et nous accompagner jusqu’au Père, ou lui faut-il consentir à s’effacer au seuil du mystère où se dérobe le cœur-à-cœur de l’âme et de Dieu ?

            La réponse appartient à l’Ecriture et à la charité elle-même. Elle est celle-ci : la charité est d’abord la révélation directe du Saint-Esprit. Il n’est donc pas surprenant que la charité nous conduise spécialement à lui, car nous recevons le Saint-Esprit du moment que nous aimons l’Eglise, que la charité nous groupe, que le nom et la foi catholique font notre joie. Soyez-en convaincus, mes frères, dit saint Augustin, plus on aime l’Eglise du Christ, plus on possède le Saint-Esprit.

            Le Saint-Esprit est le principe de l’amour fraternel qui rassemble à travers le monde hostile les chrétiens dispersés. Par là-même, il s’ensuit que la charité atteste sa présence en nous. On est toujours quelque peu inquiet de posséder avec certitude la grâce de l’Esprit-Saint. N’est-il pas évident, écrit saint Augustin, que c’est le Saint-Esprit qui produit dans l’homme l’amour de la charité ? La parole de l’apôtre n’est-elle pas claire ? La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. C’est de la charité que l’apôtre parlait et il disait que nous devons interroger notre cœur devant Dieu. Si notre cœur ne nous reproche rien, nous pouvons avoir confiance en Dieu, c’est-à-dire si notre cœur atteste que la charité fraternelle inspire toutes nos bonnes actions.

            Encore faut-il prendre garde plus que partout ailleurs à l’authenticité du sentiment le plus apte aux travestissements. Ce que nous baptisons si rapidement charité, avec la satisfaction d’y reconnaître le Saint-Esprit, n’est bien souvent qu’une médiocre affection humaine où c’est nous seuls que  nous retrouvons. A quel signe le chrétien peut-il débrouiller la qualité vraie de sa charité ? Qu’il interroge son cœur, nous dit Augustin : aime-t-il son frère ? Le Saint Esprit demeure en lui. Qu’il s’examine, qu’il s’éprouve lui-même sous les yeux de Dieu. Qu’il voie s’il y a en lui l’amour de la paix et de l’unité, l’amour de l’Eglise répandue à travers la terre entière. Il ne suffit pas de penser à aimer le frère auquel on a directement affaire ; il y a beaucoup de nos frères que nous ne voyons pas, auxquels pourtant nous sommes liés dans l‘unité du Saint-Esprit.