Jean 17, 11b-19

« Père Saint, garde-les dans ton nom pour qu’ils soient un »

Père Xavier Léon-Dufour

Lecture de l’Evangile selon Jean, Tome III, p. 292s

 

          Les disciples doivent être gardés dans le Nom du Père : ainsi ils seront un. Ces deux impératifs transposent le catéchisme primitif qui a pu être reconstitué à travers les textes les plus anciens du Nouveau Testament : la sanctification et l’amour fraternel constituaient les recommandations fondamentales faites aux premiers chrétiens. Mais Jean les transfigure : l’appel à la sainteté devient un appel au Père saint, auteur de toute sanctification : il doit garder dans son Nom, ce qui suppose garder du Malin et qui devient sanctifier.

          L’invocation Père Saint régit le passage entier. Référée à Dieu, la sainteté n’en n’exprime pas un aspect parmi d’autres, elle dit le mystère transcendant, ineffable, du Tout Autre. Dire Père saint, c’est associer deux termes d’orientation inverse, c’est proclamer que le Dieu inconnaissable a bien voulu se rendre proche, comme un Père, pour nous sanctifier, selon l’appel adressé à Israël : Soyez saints parce que je suis saint.

          L’adresse Père saint, invocation propre à Jean dans la Bible, se trouve associée à ton Nom, dans une prière chrétienne contemporaine de Jean, prière que nous trouvons dans la Didakè (10,2) : Nous te rendons grâce, Père saint, pour ton saint Nom que tu as fait habiter dans nos cœurs. Selon cette prière eucharistique, le cœur des croyants est le temple où habite le Nom très saint. Dans notre verset, l’image est inversée : Jésus demande que ses disciples soient gardés dans le Nom du Père. Cette demande a été diversement interprétée au cours de la tradition. Certains (Chrysostome, Thomas) l’interprètent sous ta protection, selon un sens courant dans le Premier Testament, ou dans l’attachement à ton Nom, mais ce serait attribuer à l’homme ce qui est l’œuvre de Dieu, ou encore par ta puissance divine (Cyrille d’Alexandrie et des commentateurs récents). Or, ton Nom, chez Jean, se réfère toujours au Père, aussi peut-on conserver à la préposition dans sa valeur habituelle locative. Jésus demande que le Père maintienne les disciples en Lui, dans sa propre vie. Au Fils, le Père a communiqué cette vie en plénitude : la précision ton Nom que tu m’as donné met en évidence à deux reprises la condition unique du Fils et suggère son rôle : communiquer aux croyants sa parfaite communion avec le Père.