3 Jean

Celui qui incarne le spirituel

Paul Nikolaevitch Evdokimov

Le Mystère de l’Esprit-Saint, p. 81s

 

          L’action sanctifiante de l’Esprit-Saint précède tout acte. Tout le spirituel prend corps, s’incarne, devient manifestation du Christ.

          Ainsi l’Esprit planait sur l’abîme afin d’en faire jaillir le monde, lieu de l’Incarnation. Par la bouche des prophètes, tout l’Ancien Testament est la Pentecôte préliminaire en vue de l’avènement de la Vierge et de son Fiat : l’Esprit descend sur Marie et en fait la Theotokos, la mère de Dieu ; et de Jésus, il fait le Christ-Oint. De ses langues de feu, naît l’Eglise, corps du Christ ; d’un baptisé, il fait un membre du Christ ; du pain et du vin, il fait le corps et le sang du Seigneur. Dans l’âme de tout baptisé, l’Esprit introduit le Royaume.

          C’est lui qui prononce en nous : Abba, Père !

          Dès qu’il s’agit de l’Esprit-Saint, les Pères renoncent aux expressions habituelles et parlent un autre langage, rempli d’admiration sans bornes, d’une sorte d’ébriété.

          L’Esprit descend dans le monde, mais sa Personne se dissimule dans sa Manifestation même. Il ne se manifeste que dans ses dons et dans ses charismes. Le grand mystère le couvre.

          Ses images dans l’Ecriture sont floues et fugitives : souffle, flamme, parfum, onction, colombe, buisson ardent. Saint Syméon le Nouveau Théologien le dit : Ton nom tant désiré et constamment proclamé, nul ne saurait dire ce qu’il est.

          Lors de l’Epiphanie, il descend du ciel, comme une colombe, et repose sur Jésus. Mais dans ses manifestations, il est un mouvement vers Jésus, afin de le rendre visible et manifeste. Sa présence est cachée dans le Fils comme le souffle ou la voix qui s’effacent devant la parole qu’ils rendent audible.

          Si le Fils est l’image du Père et l’Esprit-Saint l’image du Fils, l’Esprit, disent les Pères, est seul à ne pas avoir son image dans une autre personne : il est essentiellement mystérieux.

          Déjà son origine est plus énigmatique que celle du Fils. Les deux sont issus d’une seul et même Principe : le Père ; mais par deux modes différents : l’un de génération, l’autre de procession ou spiration. Dans l’ordre de la manifestation naturelle, l’Esprit-Saint procède du Père par le Fils après le Verbe, et nous révèle la gloire commune des trois : la splendeur éternelle de la nature divine.