Jacques 1, 19-27  

Dévotion et charité

Père Ceslas Spicq

La vraie vie chrétienne, AS 48 (1ère série), p. 35s

 

          Quelle est donc la vraie religion, sainte et sans tache, sûrement agréée du Père des cieux ? Le verset 27 en donne une définition précise : la vie chrétienne est censée se déployer, comme une liturgie, dans un Temple en face de Dieu. Saint Jacques en rappelle le rituel qui se ramène à l’unique prescription de la Nouvelle Alliance : la charité, sous sa forme la plus expressive : la miséricorde.

          Visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves. Il ne faut voir là qu’une catégorie-type, traditionnelle, et comme symbolique des malheureux, puisque, depuis la pauvre veuve qui donnait toutes ses ressources jusqu’à la riche Dorcas qui faisait beaucoup d’aumônes, les veuves du Nouveau Testament sont et devaient demeurer dans l’Eglise les spécialistes et comme les professionnelles des bonnes œuvres ; il faut donc entendre cette parole de l’apôtre Jacques de tous les affligés, les petits, les faibles, les humbles, tous les êtres sans défense, facilement lésés et molestés.

          On doit les visiter pour leur porter secours, comme Dieu lui-même visite son peuple pour le sauver, et son Fils visite les siens en ressuscitant le fils unique de la veuve de Naïn. Il y a vraisemblablement une référence à la parabole du jugement dernier, où les bénis du Père recevront le royaume en héritage, uniquement, semble-t-il, parce qu’en visitant les malades ils ont servi le Christ dans la personne des plus petits parmi ses frères ; c’est qu’ils ont accompli en ce seul geste la Loi et les Prophètes, la Loi royale.

          L’accent porte autant sur la bienfaisance effective que sur la compassion intérieure ; celle-ci est soulignée par l’évocation des épreuves, ou mieux de la détresse dans laquelle se trouvent les pauvres. Il y a des pauvres heureux, libérés de la tyrannie des cupidités terrestres, notamment de l’envie, qui est toujours une tristesse. Mais un certain degré de misère devient une calamité et suscite l’anxiété. Devant une telle souffrance, les disciples du Sauveur s’apitoient et cherchent autant à consoler qu’à subvenir. Or, ces secours fraternels sont agréés par Dieu comme un culte qu’on lui rend à Lui-même. Ces sentiments et ces dévouements constituent une liturgie qui l’emporte en beauté sur toutes les offrandes des victimes sans tache ; car ils expriment une agapè qui est tout ensemble amour et adoration d’un enfant envers son Père, compassion et bienfaisance entre frères de la même famille de Dieu.