Jacques 1, 1-18  

Un non pour le oui

Père Dominique Bertrand

Le fond de l’épreuve, Lettre de Jacques 1, 12-18, p. 215s

 

          Jacques intensifie le Siracide en centrant l’attention sur l’épreuve et non sur le péché. Il l’intensifie en opposant en une puissante antithèse le chemin qui mène à la mort à celui de la nouveauté par la renaissance. Oui, véritablement, dans la foi en notre Seigneur Jésus-Christ de la gloire, il est possible à Jacques comme à tous les témoins du Ressuscité d’aller jusqu’au bout. Il n’en reste pas au conseil libre de l’homme maintenu face à la sagesse du Tout-puissant. Il n’en reste pas à ces deux bouts de la chaîne. Certes, il sait de vieille sagesse qu’il n’est pas sage de se croire toujours sur la croix, ou dans la radicalité de l’épreuve. Mais quand l’heure est venue, il sait, de sagesse puisée en l’homme de Gethsémani, que le moment du grand non ou du grand oui est arrivé. Il y plonge à l’avance son destinataire.

          Quand l’heure est venue, le plus grand risque naît de la confusion, artifice suprême de l’ennemi, du jardin des délices au jardin de supplices. Tout se brouille dans la mesure où le oui et le non perdent en nous de leur identité, sous prétexte que c’est moi qui les décide l’un et l’autre. Moi ou Dieu ? Sempiternelle histoire de la tentation : Mais non…, dit le serpent à Eve. Pour n’être pas embrouillé, il faut s’exercer à dire tout de suite non à mais non… Jacques en détaillant ce qu’est le non et le oui dans un rigoureux parallélisme, nous exerce dès maintenant pour quand l’heure sera venue.

          Car il n’en va pas du non mortel comme au oui de la vie. Certes il s’agit dans les deux cas d’un accouchement. Mais le premier est, d’une part, à coup sûr l’aventure monstrueuse possible pour chacun, mais, d’autre part, une aventure qui est encore en devenir. L’accouchement de Mort, sans article, n’est pas encore totalement advenu. Le second, quant à lui, est advenu pour les frères bien-aimés, même s’il est caché à fleur de vie : Bien, toute donation et parfait, tout présent. Toute joie de la vie est fondée, telle est la force du oui, en ce que l’accouchement de l’homme nouveau a déjà eu lieu.

          Le  non mortel et le oui paternel se ressemblent, parce qu’ils s’enfantent l’un et l’autre dans l’épaisseur de notre existence éprouvée. Mais le non nous enferme toujours plus dans les incertitudes d’une subjectivité toujours plus faible. Le oui a l’éclat joyeux de tout ce qui, par son objectivité même, sauve de la descente infernale.