Josué 24, 1-7 + 13-28

Le Testament de Josué

Père Albert Gelin

Bible et Vie chrétienne, n° 3, 1953, p. 63s

 

          Le livre de Josué a narré, avec une sorte de rapidité épique, la conquête militaire de la Terre Promise et l’établissement des tribus dans l’héritage de Dieu. Un chef prestigieux a mené ces événements, celui à qui Moïse avait imposé les mains, en le bénissant et en l’investissant de sa propre charge. Moïse et Josué sont des chefs qui résistent aux classifications : il y a en eux une force rayonnante et créatrice, ils lancent le Peuple de Dieu sur les routes de l’histoire, mais d’abord ils forgent son unité. Cette unité semblait acquise après l’expérience du Sinaï et les quarante années de Qadesch. Et cependant Josué sait qu’il est nécessaire de lui donner occasion de se réaffirmer dans l’intervalle des batailles et le souci des lotissements. De là l’importance des congrès de Sichem.

            Ce lieu saint, sis entre les monts Ebal et Garizim, comme une croupe entre deux épaules, avait été, disait-on, visité par les Patriarches : Abraham y bénéficia d’une vision, Jacob y dressa un autel appelé El-Dieu-d’Israël, un arbre sacré et une stèle y sont attestés par le récit que nous lisons, plus tard on y proclamera des rois. Moïse avait recommandé de renouveler l’Alliance sitôt qu’on serait entré en Palestine : au centre de la montagne d’Ephraïm, Sichem, centre religieux traditionnel fut le cadre adapté à ces grandioses assises.

            Il semble qu’on en ait pris possession assez rapidement. Le chapitre huit du livre de Josué place aux débuts de la conquête la cérémonie entrevue par Moïse.  Celle que nous venons de lire au chapitre 24 ne serait-elle qu’un doublet et une orchestration de ce grand événement, transféré magnifiquement à la fin de la carrière de Josué ? Ne serait-elle pas plutôt une de ces réitérations périodiques dont l’importance vient de ce qu’on y entendit les ultima verba du chef ?

            Israël était là, assemblé : il comprenait les éléments qui étaient montés d’Egypte, et sans doute aussi des groupes parents qui n’y étaient jamais descendus. L’unité se nouait en présence de Dieu dans ce sanctuaire en pleine nature, unité religieuse d’abord, mais aux incidences politiques et sociales : ensemble, on devrait faire la guerre, c’est-à-dire venir au secours de Dieu, commercer ensemble, se marier et se réjouir. La fédération des tribus ressemblait aux amphictyonies grecques, ces groupements qui naissaient autour d’un sanctuaire commun : ici le mot Israël, avec sa coloration religieuse, Que Dieu se montre fort, exprimait la foi et l’espérance : le Peuple de Dieu ne cessera jamais de se nommer ainsi.