Juges 2,6 – 3,4

Le livre des Juges

L’époque des Juges

Frère Alphonse Viard, VS 82, 1950, p. 514s

 

          Après la mort de Josué, les tribus n’étaient que très imparfaitement installées en Canaan. Presque toutes les villes fortes et les plaines leur échappaient. Si la Bible dit, à plusieurs reprises, que les Cananéens habitent au milieu d’Israël, ou pourrait aussi bien dire, et peut-être plus justement, qu’Israël habitent alors au milieu des Cananéens. Tribus ou groupes de tribus sont séparés les uns des autres et mènent une vie indépendante, d’ailleurs sans cesse menacée ; et ils ne peuvent guère, même s’ils y songent, s’aider mutuellement. Les anciens habitants du pays, restés puissants, cherchent à les déloger des points qu’ils occupent. D’autres peuplades veulent, à leur tour, entrer en Canaan et s’emparer de ses richesses. Les unes songent à s’y installer ; d’autres se contentent de venir au moment des moissons et d’emporter tout ce qu’elles peuvent des récoltes amassées par les sédentaires. Les Hébreux sont ainsi pressés de toutes parts et, s’ils veulent rester libres, il leur faut livrer sans cesse combat contre des ennemis venus de partout.

            La situation religieuse n’est pas brillante. Le Dieu de l’Alliance paraît bien lointain. On préfère s’adresser aux vieilles divinités du pays qui paraissent plus proches, plus accueillantes et surtout plus immédiatement utiles. C’est à elles qu’on attribue le patronage des sources, des arbres, des champs, du bétail. Dieu et déesses dispensent partout la fécondité. Et ce peuple de pasteurs nomades, devenus paysans, songe avant tout aux moissons de ses champs et au développement de ses troupeaux. Peu à peu, il devient semblable à ceux qui occupaient avant lui cette terre. D’ailleurs, ces derniers sont encore bien souvent à côté d’eux. On vit à leur contact, on les imite ; on se marie entre Israélites et Cananéens. Il ne faudra pas longtemps, semble-t-il, pour que la grande aventure, poursuivie par Moïse et Josué, ne s’achève dans une fusion totale entre les deux groupes, ou plutôt dans la disparition totale d’Israël, absorbé par Canaan.

            Mais il ne devait pas en être ainsi. L’histoire sainte, alors à ses débuts, doit suivre son cours. Trop souvent, les diverses fractions israélites se contentent de mener leur vie médiocre de paysans à demi-absorbés par Canaan. Mais il leur arrive aussi, quand un danger plus grave menace, quand l’oppression se fait plus lourde, de se reprendre. On voit alors surgir un homme courageux, et même Déborah, une femme, qui entreprennent la libération d’Israël. C’est l’Esprit de Dieu qui entraîne ces héros.