1 Rois 19, 1-9a + 11-21

La fuite d’Elie

Saint Jean Chrysostome

Discours sur Pierre, l’apôtre, et sur le prophète Elie, OC 4, p. 509s

 

       Devant la menace de Jézabel, Elie s’enfuit à quarante jours de marche ! Quelle peur excessive ! Il entend les propos d’une femme et il prend la fuite, faisant route pendant quarante jours ! Il ne marche pas un jour, ni deux, ni trois, mais à peine la parole de cette femme est-elle arrivée à ses oreilles que, saisi de peur et sans savoir ce qu’il fait, il s’enfuit bien loin.

         Eh, quoi donc Elie ! Es-tu bien celui qui a fermé le ciel et enchaîné la pluie, commandé à l’air et appelé le feu du ciel, massacré les prêtres, et déclaré au roi Acab : C’est toi le perturbateur d’Israël, toi et la maison de ton Père ! Tu entends la parole d’une débauchée et tu t’enfuis ! Une simple femme t’enlève la liberté !

       Après sa fuite de quarante jours, Elie arriva en un lieu où il s’endormit. Et voici que Dieu s’approcha de lui, le Maître près du serviteur, Dieu plein de sollicitude et d’amour pour les hommes. Que dit-il ? Il savait bien ce qui avait amené Elie à cet endroit ; il lui demande cependant : Que fais-tu ici, Elie, que fais-tu ? Tu as pris la fuite, semble-t-il dire, mais où donc est ta belle assurance ? Vas-tu enfin apprendre à mettre ta confiance en toi-même ? Que fais-tu ici, Elie, que fais-tu ?

       Elie répond, mais ses paroles ne traduisent pas ses pensées : Seigneur, ils ont tué tes prophètes, ils ont abattu tes autels. Je suis resté moi seul, et ils cherchent à m’enlever la vie. Et que lui réplique Dieu ? Il le convainc aussitôt d’erreur : Non, ce n’est pas pour cela que tu as pris la fuite, Elie. Car tu n’es pas le seul qui ne se soit pas prosterné devant Baal. Il me reste encore sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal. Dieu lui reproche donc d’avoir fui, non pour la raison qu’il invoque, mais à cause de la terreur que lui avait inspiré une femme : oui, une simple femme a transformé cet homme si grand et remarquable en un fugitif errant. C’était pour t’apprendre, Elie, que lorsque tu faisais des actions merveilleuses, elles n’étaient pas à inscrire à ton compte, mais à celui de la puissance de Dieu.

       Te voilà désormais instruit, Elie. Deviens à l’avenir ami des hommes comme ton Maître.