1 Samuel 19, 8-10 + 20,1-17

Les fruits de l’amitié

Saint Augustin

Le livre de l’amitié, OC 22, p. 484s

 

          Quel n’est pas l’avantage de l’amitié, puisque dans les choses humaines on ne peut rien désirer de plus saint, rien chercher de plus utile, rien trouver de plus difficile, rien éprouver de plus doux, rien posséder de plus fructueux ? Car l’amitié porte des fruits pour la vie présente et pour la vie future. Elle assaisonne toutes les vertus par sa douceur ; sa vertu guérit les vices, elle adoucit l’adversité et modère la prospérité, de sorte que, sans un ami, il n’y a presque rien qui vous fasse plaisir dans la vie, et l’homme deviendrait semblable à l’animal, s’il n’y avait personne pour partager sa joie ou sa tristesse, s’il ne trouvait pas un cœur pour y verser ses peines, une autre âme pour lui communiquer ses bonnes et ses mauvaises pensées. Malheur à l’homme qui est seul car, s’il vient à tomber, personne ne sera là pour le relever. On est complètement seul quand on n’a pas d’ami. Quel bonheur, au contraire, quelle sécurité, quel plaisir d’avoir un ami avec qui vous osez parler comme à vous-même, à qui vous ne craignez pas d’avouer vos fautes, ne rougissant point de lui découvrir vos progrès dans les choses spirituelles, de lui confier les secrets de votre cœur, de lui soumettre vos desseins ? Quoi de plus doux que d’attacher son cœur d’un ami, et de ne faire qu’un avec un autre, au point de n’avoir ni crainte d’humiliation, ni soupçon de perfidie, sans que l’un ait à souffrir des avis de l’autre, sans que l’ami ait à se défier des flatteries de son ami ? Un ami, dit le sage, est l’adoucissement de la vie. En effet, il n’y a pas de remède plus puissant, ni plus efficace pour nos blessures, que d’avoir un ami qui vienne vous apporter une parole compatissante dans vos revers, et une félicitation dans vos succès ; vous voyez deux amis rapprocher leurs épaules pour porter mutuellement leurs fardeaux, et vous voyez l’ami supporter plus facilement l’offense faite à lui-même que celle qu’on fait à son ami. L’amitié embellit la prospérité ; elle adoucit, en les partageant, les malheurs de l’adversité.