L’engrenage

Jacques Cazeaux

Saül, David, Salomon, La royauté et les destin d’Israël, p. 171s

 

          A Hébron, David fut roi sur Juda sept ans et six mois ; à Jérusalem, il fut roi trente-trois ans sur tout Israël et Juda. Avec Jérusalem, c’est la grandeur royale, selon les Nations, qui s’engouffre dans l’histoire d’Israël. La démonstration va occuper toute la suite de la chronique royale ; en franchissant le pas, le narrateur va effectivement évoquer la prise de Jérusalem, anticiper et survoler le règne de David. Et il le fait, tout naturellement, en opposant les deux époques du règne de David, ses deux expansions, l’une limité à Juda, l’autre s’étendant à tout Israël. Et le jeu des deux capitales, Hébron, puis Jérusalem, achève de fixer pour le lecteur les trois repères immédiats, des sujets soumis au Prince, du temps et de l’espace.

          Cependant, autant l’installation à Hébron offre peu de prises à l’histoire, autant l’installation à Jérusalem retient le lecteur. L’installation à Hébron relève du charisme, puisque David y vient sur consultation de l’oracle, autant la prise de Jérusalem semblera une heureuse improvisation de David. Mais l’oracle va remettre en cause le symbole qu’est devenue Jérusalem : il s’agit du chassé-croisé assumé par le prophète Nathan entre l’intention de David de bâtir le Temple, et la réponse divine.

          La mémoire qu’on en aura commande en fait la lecture de la Loi et des Prophètes, y compris celle des évangiles:des Prologues de Matthieu et de Luc jusqu’au récit du jugement final devant Pilate dans les quatre recensions, ils tournent autour du sens de la royauté du Messie, en Jésus, et de son rapport au Temple.

          David va donc s’emparer de Jérusalem. En un premier regard, nous lisons des épisodes édifiants de la biographie de David : il s’empare de Jérusalem, il bat les Philistins, il porte l’Arche à Jérusalem, bravant le ridicule, il reçoit l’assurance  d’une dynastie ferme, il bat Moab et Edom, il reçoit l’hommage de Tyr et de Hamat, il fait même fonction de prêtre. Mais en même temps que ce fil conducteur de récits hagiographiques, le rédacteur final a déroulé une réflexion théologique qui contrecarre la première intention, ou du moins l’équilibre par des réserves contraires.