1 Samuel 15, 1-23
L’épreuve décisive de Saül

Cardinal John-Henry Newman
L’attachement au sens propre fut le péché de Saül, n° 12-13

On peut relever d’un bout à l’autre de l’histoire de Saül les marques de son insoumission ; mais quand vint l’épreuve décisive, il finit par succomber délibérément.
Envoyé par Dieu pour punir les Amalécites, il épargna ceux dont il avait reçu l’ordre de tuer : le roi Agag, le meilleur des brebis et des bœufs, et tout ce qu’il y avait de bon. Je ne m’occupe pas de l’état d’esprit habituel qui lui inspira cet exemple particulier d’insoumission. On pourrait insister sur l’état d’esprit profane qui était un trait de son caractère. On pourrait même conjecturer qu’il était au fond de son cœur, un homme sans foi : je veux dire qu’il ne reconnaissait pas que seule la théologie de Moïse, comparée à celle des autres nations, état vraiment divine ; de plus, il avait déjà regardé la pompe et la splendeur des monarchies voisines avec un intérêt qui le rendait honteux de l’apparente étroitesse de la singularité des institutions d’Israël. Un vouloir pervers échafaude aisément tout un système d’idées qui l’autorise à s’écarter du droit chemin.
En réalité, il préféra agir à sa guise plutôt que comme Dieu le voulait. Quand la main de Dieu le dirigea vers le but pour lequel il avait été choisi, il dévia comme fait un arc brisé. Il obéit, mais avec une réserve ; et pourtant il dit à Samuel qu’il avait exécuté l’ordre du Seigneur : les moutons et les bœufs, il les avait gardé dans un pieux dessein, pour un sacrifice au Seigneur. En lui répondant, le Prophète lui expliqua le vrai caractère d’une obéissance qu’il avait limité à son grès. Il le fit en des termes qui sont un avertissement pour tous ceux à qui parviendra la Révélation jusqu’à la fin des temps : Le Seigneur se réjouit-il des holocaustes et des sacrifices autant que de l’obéissance à ses commandements ? Attention ! L’obéissance vaut mieux que les sacrifices, et la docilité de la graisse des béliers. Car la révolte est aussi coupable que la divination, et le refus d’obéir que la consultation des idoles.
La morale de l’histoire de Saül s’impose à nous par les évènements qui suivirent cette offense délibérée. En résistant volontairement à la volonté divine, le roi ouvrit la voie à ses passions mauvaises qui jusqu’alors avaient fait de lui tout au plus un homme peu sympathique, mais non un pécheur.