Luc 1, 39-56

« Viens, mon Elue, et je placerai en toi mon trône »

Guerric d’Igny

Premier sermon pour l’Assomption de Marie, SC 202, p. 415s

       

Marie est bienheureuse entre tous les bienheureux, elle qui, entre tous les élus, a été d’une façon unique choisie et élue avant tous les autres. Dieu l’a choisie pour établir en elle sa demeure, en disant : C’est ici mon repos pour les siècles ; c’est ici que j’habiterai parce que je l’ai choisie. Il a habité en elle pendant neuf mois, il a habité avec elle et sous son autorité pendant plusieurs années, la remplissant d’une singulière surabondance de dons spirituels ; et maintenant, habitant en elle et avec elle, à la fois pour une durée sans fin et selon un mode incompréhensible, il la rassasie de la gloire des visions qui font les bienheureux : extérieurement, il lui montre la forme corporelle de l’humanité glorifiée ; intérieurement, il imprime en elle la forme du Verbe qui glorifie.

Ô Marie, à l’avenir on t’appellera ma Volonté en elle parce que le Seigneur a mis en toi ses complaisances ; ton Fils habitera en toi, ou plutôt tes fils habiteront en toi. En effet, cette unique créature, à la fois Vierge et Mère, se glorifie d’avoir mis au monde le Fils unique du Père ; elle étreint avec amour ce même Fils unique en tous ses membres. Et elle ne rougit pas d’être appelée mère de tous ceux dans lesquels elle reconnaît son Christ déjà formé ou en formation.

Comme l’Eglise dont elle est la figure, elle est la mère de tous ceux qui naissent à la vie : oui, elle est la Mère de la Vie dont tous vivent. Un seul naissait, mais tous nous renaissions, puisqu’en effet, à considérer la semence qui propage la nouvelle naissance, nous étions déjà tous en Lui. De même que nous étions tous en Adam dès le commencement à cause de la semence de la génération charnelle, de même, et bien davantage, nous avons été dans le Christ avant le commencement, à cause de la semence de la régénération spirituelle.

Cette Mère bienheureuse du Christ, se sachant mère des chrétiens en raison de ce mystère, se montre aussi leur mère par sa sollicitude et par sa tendre affection. Elle n’est pas sans cœur pour ses fils, comme s’ils ne lui appartenaient pas ; ses entrailles n’ont enfanté qu’une fois, mais elles ne sont jamais épuisées, elles ne cessent jamais de produire des fruits de tendresse.