2 Chroniques 20, 1-9+13-24

Le témoin de l’Amour

Père André Ravier

Un prêtre pour le peuple de Dieu, Le Curé d’Ars, p. 110s

 

          Un mot s’impose à l’esprit quand on récapitule la vie de Jean-Marie Vianney et qu’on essaie de caractériser sa mystique : transfiguration. Jean-Marie Vianney, c’est un paysan de chez nous, simple, rude, rustaud même et finaud, mais transfiguré par sa foi. L’abbé Vianney, c’est un prêtre de chez nous, aux prises avec des ouailles que le gain, le cabaret, le bal intéressent plus que les prières et les dévotions, aux prises avec les besoins d’argent, les tracas de ses écoles, l’entretien de son église, les mille servitudes d’une paroisse rurale, mais un prêtre dont la foi transfigurait le labeur : des choses, il considérait la face invisible et éternelle et négligeait les apparences. Non, vraiment, on ne trouve rien dans cette vie, qui ne se pourrait trouver, mise à part la miraculeuse efficacité, dans la vie de tout curé de campagne. Seulement, il avait franchi le pas, comme dirait le Père Surin : il avait fait sa vérité de la Vérité qu’il enseignait, il avait opté, une fois pour toutes, pour l’interprétation évangélique des choses et des événements ; le réel pour lui, c’était la grâce ; il avait situé définitivement sa vie dans la Vie de Dieu. L’étonnant, c’est que ce mystique exceptionnel retrouvait fidèlement en Dieu nos plus humbles réalités d’ici-bas ; il ne s’en évadait pas, encore que la tentation de fuir le torturât ; il se plongeait au contraire en elles, il les acceptait, il les assumait autant que le pourrait faire le plus actif et le plus réaliste des prêtres de nos paroisses. Mais tout cela prenait entre ses mains un sens nouveau, une valeur spirituelle. On songe, à le voir agir et vivre, à ces scènes évangéliques d’après la Résurrection, où Jésus, malgré sa gloire, vit en familiarité avec ses apôtres : entre hier et aujourd’hui, tout est pareil et tout diffère ; entre hier et aujourd’hui s’intercale la victoire sur la mort. Ainsi du Curé d’Ars : entre lui et nous, tout est pareil et tout diffère ; entre lui et nous, s’intercale la victoire d’un Amour. Prions avec lui : Je vous aime, Seigneur, et la seule grâce que je vous demande, c’est de vous aimer éternellement.

         Tout le cœur du Curé d’Ars est là, son cœur émerveillé et humble, son cœur de saint et son cœur d’apôtre, son cœur simple et immense. Pour le peuple de Dieu, il ne voulut être, et il ne fut qu’un prêtre, mais il fut totalement le prêtre, le témoin de l’Amour, la pure image de Jésus-Christ.