Matthieu 9, 9-13

La suite de Jésus et son imitation

Dom  Anselme Schulz

Suivre et imiter le Christ, p. 113s

 

          La conception néo-testamentaire de la marche à la suite de Jésus est multiple. L’idée qui est restée la plus vivante dans la conscience de l’Eglise chrétienne est celle qui identifie la marche à la suite de Jésus et l’imitation du Christ. L’histoire de la piété chrétienne montre, par une multitude de textes, que l’identification de ces deux notions a été monnaie courante dans tous les siècles de l’histoire de l’Eglise. Le témoignage le plus connu, c’est sans doute le texte, que la tradition attribue à Thomas a Kempis, L’Imitation de Jésus-Christ, document qui a vu le jour à la fin du Moyen-Age. Dès les écrits du Nouveau Testament, la conception qui identifie suivre et imiter est présente. Les Pères apostoliques, notamment Ignace d’Antioche, voient l’essentiel de la marche à la suite de Jésus dans son imitation : le chrétien véritable suit son Seigneur en assumant le martyre, la mort de Jésus, devenant ainsi son imitateur et un authentique disciple du Christ. On peut constater que les notions caractéristiques d’une éthique de l’imitation du Christ se sont multipliées de plus en plus et en sont venues à supplanter peu à peu la conception primitive de la marche à la suite de Jésus.

          Là où, aujourd’hui, l’on appelle à suivre Jésus, là où cet appel est entendu, là où il est cru et vécu, là où des hommes ouvrent leur vie à cet appel et se laissent engager par lui, il n’est plus possible de réaliser la marche à la suite de Jésus dans son sens primitif. La proximité historique de Jésus fait défaut ; font également défaut l’impression que la personnalité de Jésus faisait sur ses auditeurs ainsi que le milieu ambiant caractéristique pour son temps ; ce qui manque surtout, c’est l’élan que la Parole de Dieu a pu susciter malgré toutes les faiblesses humaines. Si l’appel à suivre Jésus doit rester une Parole pour nous aujourd’hui encore, il faut bien interpréter ce mot ; un tel processus a d’ailleurs commencé à l’intérieur même du Nouveau Testament. Toute l’interprétation cependant doit se laisser guider par le sens originel du mot. Notre traduction pour notre monde, pour notre vie, pour notre existence chrétienne doit, elle aussi, se laisser guider par le sens originel de la Bible, afin que nous servions le Royaume de Dieu dans la communion du Christ et des chrétiens. Il nous faut accomplir ce service qui reste toujours un service du monde et aussi un service en lieu et place de ce même monde.