Isaïe 22, 1-14

Douleurs de prophète

Père Gaston Brillet

365 méditations sur la Bible, p. 39s

 

            Le peuple est en joie. Cependant les événements ne sont pas réjouissants. Des contacts avec l’ennemi qui tient le pays ont été des échecs. Est-on content de ce qu’ils n’ont pas été plus désastreux ? De ce que Jérusalem n’est pas investie ?…

             Qui veut se réjouir se réjouit de peu. Qu’as-tu donc à monter tout entière sur les terrasses, ô plein de tumulte, ville bruyante, cité joyeuse ? dit le prophète. Autre tableau : des préparatifs en vue d’un siège : les armes dans l’arsenal, les murailles réparées, les conduites d’eau assurées. Et voilà un peuple encore heureux, heureux de sécurité. C’est ici qu’apparaît l’âme d’un prophète, l’âme douloureuse d’un prophète.

            Parce qu’il voit à travers la surface des choses. Les affaires militaires autour de Jérusalem ont été, en réalité, des défaites et des déroutes. La préparation des armes, des murs et des rares conduite d’eau n’est rien s’il n’y a une autre préparation, laquelle n’existe pas !

        Voilà la cause profonde des douleurs du prophète : ce peuple ne pense pas à Dieu. Il ne prie pas, il ne fait pas pénitence. Loin de là : il s’amuse !

          Un peuple qui n’a pas gardé sa foi, ou dont la foi ne vit pas dans la prière et la supplication, ne sera pas défendu par des armes, protégé dans des murs, soutenu par des provisions.

          Et comme un prophète pense et sent ainsi de tout son être, il est très triste en voyant ce peuple si content, très malheureux en le voyant si heureux.

            Certes, si ce peuple souffrait de son mal, la souffrance du prophète serait terrible ; mais cette joie d’un peuple si malade, cela est intolérable.

            S’il pouvait être question de pessimisme avec Isaïe, on pourrait dire que jamais Isaïe ne fut si pessimiste. Peut-être n’a-t-il jamais tant souffert. Dieu vous appelait ce jour-là à pleurer et à vous lamenter… Et voici la joie et l’allégresse… : Mangeons et buvons, car demain nous mourrons !…

          Ceux qui ont pour mission de sauver le monde, non seulement de ses malheurs, mais de ses folies et de ses crimes ne peuvent être gais. Mais Isaïe avait la foi et la prière. Et nous ?