Luc 19, 1-10

« Je veux demeurer chez toi »

Père Philippe Rouillard

Zachée, descends vite, VS 112, 1965, p. 303s

 

           Zachée  cherchait à voir qui était Jésus. Il n’était pas seul en recherche. Car Jésus de son côté était venu chercher et sauver ce qui était perdu, et il cherchait Zachée plus encore que celui-ci ne le cherchait. En passant auprès du sycomore qui servait d’observatoire au petit homme, il s’arrêta donc et le regarda. La rencontre, qui, aux yeux des spectateurs, paraîtra fortuite, a été précédé, en fait, d’une attente réciproque, et elle comble un désir qui ne peut se formuler explicitement qu’au moment même où il atteint son objet.

              Il n’est pas surprenant, dès lors, que les événements se déroulent à un rythme accéléré, que Zachée descende de son arbre aussi vite qu’il y est monté, que ce financier renverse en un instant son échelle des valeurs, et qu’il accueille chez lui le prophète inconnu.

             Car Jésus ne se contente pas de regarder son interlocuteur, et de lui dire quelques mots qui bouleverseront sa vie, comme il l’a fait en bien d’autres occasions rapportées par l’évangile. Avec une impérieuse amitié, il demande à Zachée de le recevoir chez lui : Il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. En face d’une foule qui, jusqu’à ce moment, l’acclamait et qui aussitôt va commencer à le critiquer, Jésus exprime son désir et son besoin de s’arrêter chez celui que tout le monde tient pour être un pécheur, et de s’y arrêter, non pas simplement pour y prendre un repas et repartir ensuite, mais pour y demeurer et y loger.

             Par cette leçon, dont il sait qu’on parlera longtemps à Jéricho et plus longtemps encore dans l’Eglise, le Christ veut faire comprendre qu’il est venu essentiellement comme Sauveur, et qu’il sauve par sa présence même. Dès qu’il est entré dans une maison, et qu’il y a été accueilli au point de s’y trouver chez lui, on peut dire que cette maison a reçu le salut en recevant le Sauveur.  Le publicain, que sa profession mettait à l’écart de la communauté et excluait du Temple, se voit réintégré dans le peuple de Dieu, et retrouve tous les privilèges des fils d’Abraham, parce qu’il a ouvert au Sauveur la porte de sa maison et celle de son cœur. Il expérimente, comme beaucoup d’autres après lui, que la présence de Jésus, envoyé par son Père pour chercher et sauver ce qui  était perdu, est la condition nécessaire et suffisante du salut.