Luc 6, 12-19

Jude, serviteur de Jésus-Christ, frère de Jacques

Père Jean Cantinat

Les épîtres de saint Jacques et de saint Jude, p. 290s

 

En tête de son écrit, conformément à l’usage épistolaire de l’époque, l’auteur se nomme, mentionne ses destinataires et les salue, mais il christianise le tout par les précisions qu’il ajoute.

Son nom Jude, que l’on évite de transcrire Judas en raison de l’infamie qui se rattache à cette forme, était couramment porté dans le monde juif, en souvenir du patriarche Juda, fils de Jacob, ancêtre de la principale tribu d’Israël.

En précisant qu’il est serviteur de Jésus-Christ, l’auteur ne nous aide guère à découvrir son identité. Au sens biblique du terme, tout chrétien pouvait se dire serviteur de Jésus-Christ, c’est-à-dire l’un de ceux qui se donnent à son service. Y voir une connotation de l’idée d’apostolat ou de rôle ministériel ne s’impose pas. Pour l’auteur, Jésus est tellement le Christ, le Messie annoncé par l’Ancien Testament, que cela fait désormais partie de son nom propre. Il en allait ainsi déjà en 51, dans les lettres aux Thessaloniciens.

La précision suivante, que l’auteur donne à son sujet, semble plus révélatrice de son identité. Il se dit frère de Jacques. Cette indication, sous sa plume, a manifestement pour but de se désigner clairement à ses lecteurs, et naturellement ce but ne pouvait être atteint que si celui dont il se réclame ainsi était bien connu de l’Eglise. Il semble donc qu’il veuille parler de Jacques, le frère du Seigneur, chef des chrétiens de Jérusalem, dont le renom s’étendait au loin. En ce cas, à moins de pseudonymie, il nous faut identifier l’auteur avec Jude de Nazareth, l’un des quatre frères de Jésus, qu’Origène et Tertullien pensent être le même que l’apôtre Jude, fils de Jacques (Luc 6,16), appelé Thaddée par Marc (3,18) et Matthieu (10,3). De fait dans les listes apostoliques il est nommé sitôt après Jacques, fils d’Alphée, et nous savons que ces listes accouplent volontiers les noms des frères : Pierre-André, Jacques et Jean, fils de Zébédée. D’après un texte de Matthieu (27,56), on peut cependant douter qu’il fut un frère utérin de Jacques. Les explications d’Hégésippe, que nous trouvons dans l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée (III, 32, 1 et 4), ne suffisent pas à nous éclairer sur ce point. L’identification de l’auteur eut été plus nettement établie s’il s’était intitulé frère du Seigneur ; il s’en abstient comme Jacques (1,1), et l’on ne peut dire si c’est par modestie ou pour une toute autre raison. Il y aurait peut-être là indice de pseudonymie.