Isaïe 37, 21-35

Vers la prière du cœur invisible

Père Jean Lafrance

Le chapelet, un chemin vers la prière incessante, p. 108s

 

Il y a un secret inaccessible aux sages et aux intelligents, mais révélé seulement aux tout-petits. Si on ne peut l’expliquer, ni connaître l’origine ou le terme de cette expérience qui nous dépasse, on peut au moins, dit saint Bernard, discerner le moment de sa venue et l’heure de son retrait. Pourquoi fait-il faire ce discernement ? Pour rendre grâce quand la prière est là et pour la désirer quand elle est absente.

Il semblerait qu’au moment où l’on répète l’invocation « Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous, pécheurs », la prière fasse irruption dans notre cœur. La prière qui s’inscrit ici-bas dans nos pauvres mots humains se répercute dans la prière de la Vierge au ciel. Nous sommes bien conscients alors que Marie a pris le relais de notre prière et qu’elle intercède pour nous auprès de Jésus, et nous avons encore plus conscience qu’il n’y a qu’une intercession : celle de Jésus au Père.

C’est Marie qui, dans la gloire du ciel, intercède pour nous et nous fait expérimenter les arrhes de la prière de l’Esprit. A certains jours, nous avons comme l’intuition de partager sa prière du cœur et il nous est bon simplement d’être là avec elle. D’autres fois, nous repassons dans la mémoire du cœur le fil des événements de la journée et nous découvrons les humbles passages du Seigneur, ses appels discrets et aussi les refus que nous lui avons opposés en faisant la sourde oreille.

Comme les grains du Rosaire, ces événements forment un tout que nous présentons au Seigneur, dans l’action de grâce et le repentir. Parfois, enfin, cette prière du cœur s’intensifie au silence et au repos sous le regard du Père.

Une homélie, d’un anonyme du IV° siècle, sur la diversité des effets de l’Esprit, après avoir énuméré ce que l’Esprit-Saint peut produire, dans l’homme, de joie, de lumière, de feu intérieur et de silence, s’achève ainsi avec humour en parlant de l’homme spirituel : « Parfois il devient un homme quelconque ! ». C’est si souvent notre état habituel, comme dit Thérèse de Lisieux après avoir expérimenté en elle le feu de l’Amour Miséricordieux au moment où elle faisait le chemin de croix : « Si cela avait duré une seconde de plus, je crois que j’en serais morte ». Que Marie nous donne d’accueillir la prière de l’Esprit en nous, comme Dieu le veut, dans la joie comme dans la sécheresse.