Habaquq 2, 5-20

L’esprit du mal

Cardinal Charles Journet

L’Apocalypse : le mystère de l’Eglise

 

          Ce n’est pas Dieu qui déclenche les guerres. Par qui sont-elles déclenchées ? Elles sont déclenchées par un cœur humain, un cœur comme le nôtre, le cœur de quelqu’un qui est au pouvoir, et qui, à un moment donné, appuie sur un bouton ; et voilà les fausses nouvelles viennent, et tout le monde est affolé. C’est très mystérieux ce déclenchement de la guerre. Comment se fait-il que tout le monde parte comme un seul homme pour aller égorger les autres, et réciproquement ? Il y a là une sorte de mystère.

            Quel est ce mystère ? Ce ne sont pas simplement les passions humaines. Ce sont les passions humaines avec celui qui souffle sur la braise, c’est-à-dire l’esprit du mal, qui va réduire l’humanité à des initiatives, à des inventions qu’elle n’aurait jamais trouvées si elle avait été livrée à sa simple malice. La malice de l’homme est accrue par la puissance du démon, et la grandeur de l’homme par la puissance de Dieu. Nous faisons des actions qui sont plus grandes que nous ne croyons : ou dans la lumière, quand nous dépassons la mesure de l’homme, ou dans les ténèbres, quand nous sommes en-dessous. Nous ne sommes pas simplement des hommes. Nous sommes emportés par des forces bénies ou par des forces maudites.

            Ce sont des choses qui se reproduisent constamment au cours de l’histoire avec une intensité toujours croissante. Les premières guerres étaient encore des guerres d’apprentissage à se tuer. Et puis, à mesure que nous avançons, les guerres deviennent des guerres d’extermination. L’amplitude et la profondeur du drame ne peuvent que s’accroître. Ce ne sont pas des châtiments qui tombent d’en-haut, mais ce ne sont que des éclosions d’un cœur qui est maintenant désaxé et abandonné à des passions sur lesquelles souffle l’esprit du mal, en sorte que l’homme va dans le mal beaucoup plus loin que ses propres passions ne sembleraient devoir l’y conduire. Il y a comme des excès d’horreur.

            Depuis la venue du Christ, le diable est virtuellement vaincu, mais il va donner de grands coups de queue pour essayer de ravager toute la terre. C’est la dernière étape de la lutte, qui va être la plus terrible. A mesure que le temps passe, l’entre-deux commence à se ranger d’un côté ou d’un autre, dans une opposition de plus en plus nette, de plus en plus perfide, ou de plus en plus spirituelle, de plus intelligente aussi. Apparemment, nous pourrons paraître vaincus dans le monde visible ; mais en réalité, ce sera toujours Dieu et sa lumière et son amour et sa vérité qui triompheront. Voici la victoire qui triomphe du monde ; c’est notre foi. Tel est le cri de l’apôtre saint Jean dans sa première lettre. L’homme qui a la foi est plus grand que le monde.