Jean 18, 33-37

« Voici votre Roi »

Père M. E. Boismard

La Royauté universelle du Christ, AS 88 (1966), p. 37s

 

La comparution du Christ devant Pilate est entièrement dominée par le problème de la Royauté du Christ. La première question que le Gouverneur romain pose à Jésus est celle-ci : Tu es le Roi des Juifs ? Jésus répond : Dis-tu cela de toi-même ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ?, laissant entendre que la question de Pilate était motivée par les accusations des Juifs. Pilate n’aurait jamais eu l’idée d’arrêter Jésus et de le condamner pour usurpation de la Royauté si les Juifs n’avaient pas eux-mêmes porté cette accusation.

Finalement, si Pilate capitule devant la volonté des grands prêtres et des Pharisiens, c’est parce qu’il court le risque d’une dénonciation à Rome et que César ne badinait pas lorsque son pouvoir semblait en jeu.

Il n’y a aucun doute : si Pilate livre Jésus aux Juifs, c’est parce qu’il s’est prétendu Roi des Juifs. Les Juifs refusent cette royauté : reniant tout leur passé, ils préfèrent reconnaître celle de César. Pilate n’y croit pas non plus ; il doit tenir Jésus pour un visionnaire, pour un illuminé, plutôt que comme un prétendant réel à la royauté. Mais il va faire semblant de reconnaître en Jésus le roi des Juifs, afin de le tourner en dérision et ainsi se moquer des Juifs qu’il n’aime pas.

Les soldats romains ont, les premiers, l’idée de tourner en dérision la prétendue royauté du Christ. Sur l’ordre de Pilate, ils ont flagellé Jésus. Puis les soldats, ajoute l’évangéliste, tressant une couronne avec des épines, la lui mirent sur la tête et ils le revêtirent d’un manteau de couleur pourpre ; s’avançant vers lui, ils disaient : Salut, roi des Juifs ! Et ils le giflaient. Puisque Jésus s’est prétendu roi, on le déguise en roi et l’on se moque de lui.

La scène de dérision prend alors tout son sens: Pilate fait asseoir le Christ, revêtu du manteau de pourpre et portant la couronne d’épines, sur un siège représentant un tribunal, et il dit aux Juifs : Voici votre Roi ! La dérision est à son comble.

Après la crucifixion, Pilate fait placer une inscription au-dessus de la tête de Jésus, inscription portant ces mots : Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs. Quel roi pitoyable !

Malgré les apparences, Jésus entre en possession de son royaume au moment même où il meurt sur la croix. La raison en est que, comme l’affirme Jésus, mon Royaume n’est pas de ce monde. L’expression signifie d’abord que le pouvoir royal du Christ n’appartient pas au monde d’en-bas ; il ne se fonde pas sur la force ou la violence, il ne s’appuie pas sur une autre puissance terrestre, mais il vient d’en-haut, il vient de Dieu seul.