Ezéchiel 28, 1-19

La chute de l’ange de Tyr

Père Jean Steinmann

Le prophète Ezéchiel et les débuts de l’exil, p. 146

 

Tous les rois de l’antiquité orientale se targuaient de prérogatives divines. La dynastie de David elle-même prétendait à des rapports avec son Dieu plus étroits que ceux des autres judéens. Ithobaal, roi de Tyr, ne devait pas faire exception. Ezéchiel détestait ce sens hypertrophié du droit divin des rois qu’il considérait comme une usurpation intolérable, surtout de la part de ses ennemis : le Pharaon et le roi de Tyr.

Ezéchiel vise moins la personnalité d’Ithobaal que la ville de Tyr elle-même, en tant que type d’un état dont l’impérialisme se colore de prétentions religieuses. On peut se demander si Ezéchiel n’a pas ici en vue ce que les apocalypses ultérieures appelleront l’ange de Tyr, c’est-à-dire le protecteur céleste de la ville, ou mieux ce que nous appellerions aujourd’hui son âme. Cette âme personnifiée, originellement angélique, serait devenue démoniaque par une chute rapide rappelant de très près celle de l’homme primitif dans le paradis.

Cet Eden où habitait le chérubin de Tyr, constellé de pierreries, Ezéchiel ne le situe pas dans la plaine, mais sur la montagne du Nord, siège de l’assemblée divine, d’après Isaïe et les poèmes de Ras-Shamra.

Mais le chérubin de Tyr a péché. Sa faute, qui, peut être dans l’esprit d’Ezéchiel, a provoqué celle de la ville terrestre de Tyr, semble double : astuce injuste et orgueil. User de sa sagesse pour pratiquer la fraude, n’était-ce pas déjà le caractère du serpent de l’Eden du premier chapitre de la Genèse ? En outre les prophètes avaient toujours considéré l’injustice comme le pire des crimes. Ezéchiel, inculpant l’ange de l’empire phénicien à la fois d’astuce inique et d’orgueil, unit plusieurs courants de la théologie morale de la Bible.

Mais le grief de Dieu est celui d’impiété. De quel sanctuaire est-il question au verset 18 ? Il semble qu’il faille entendre mon sanctuaire du paradis d’Eden et non du Temple de Jérusalem. On comprend bien que ce feu soit sorti de ce paradis céleste pour en précipiter l’ange déchu, grâce à l’intervention du chérubin protecteur posté devant le jardin d’Eden, tenant la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l’arbre de vie.