Luc  3, 10-18

Le message du Précurseur

Cardinal Jean Daniélou

Contemplation, croissance de l’Eglise, p. 58s

 

Le message de Jean Baptiste est un message de conversion : c’est qu’en effet les hommes se sont détournés de Dieu. L’antique péché d’Adam continue de pulluler en eux. Or le péché d’Adam était la prétention de l’homme de se suffire : Nous n’avons pas besoin de Dieu ! C’était la prétention de l’humanité d’assumer seule son destin et d’assurer son salut. Mais par là, l’homme se détruisait lui-même, s’il est vrai qu’il n’existe et n’agit qu’en dépendance de la source divine dont il se reçoit et à laquelle il se rapporte. C’est dans ce monde pécheur que Dieu vient. Ce monde, Jean est impuissant à le sauver. Même lui, le plus grand des prophètes, il sait la vanité de toute prédication. Il n’apportera pas une voie de sagesse. Il annoncera un événement. A ce monde pécheur, un salut va être donné.

Mais encore faut-il accueillir ce salut. Jean ne demande pas au pécheur de ne pas être pécheur ; il lui demande de se reconnaître pécheur, de détester son péché, et d’avoir soif d’être libéré du péché. C’est là la conversion première qui ouvre le cœur et le dispose. Certes, cette conversion est déjà une grâce. En ce sens, Jean est instrument de la grâce. Or, le cœur des hommes est dur. Ceux-ci sont engagés dans leurs cupidités et leurs haines ; ils sont habitués à leur misère et n’imaginent pas qu’il puisse y avoir autre chose.

C’est cette dureté que Jean doit ébranler. Là est le caractère tragique de sa mission, lui est tout entier tendu vers Celui qui doit venir. Mais il lui faut soulever l’immense poids d’indifférence du monde qui l’entoure. Le témoin de la lumière est aux prises avec les ténèbres. L’Evangile est tout entier construit sur ce thème ; et il commence avec le Baptiste. Le témoin de la lumière est insupportable aux hommes des ténèbres, parce qu’il vient les déranger. Ils s’arrangent trop  bien de ce monde du péché et n’aiment pas qu’on les inquiète ;  lui leur parle au nom des exigences de l’amour, il ne prend pas son parti de l’illusion où le monde vit enfermé et où le Prince de ce monde le tient enfermé.

Mais Jean, lui, sait qu’il a le droit de réveiller l’espérance, car il sait que l’espérance ne sera pas trompée. C’est ce qui lui donne cette extraordinaire assurance. Il a le droit d’annoncer le salut : Si le Christ n’est pas ressuscité, dira saint Paul, nous sommes des imposteurs. Jean sait que l’espoir qu’il éveille ne sera pas trompé.