Isaïe 24,18 – 25,5

Premiers contacts avec saint Ambroise

Saint Augustin

Les Confessions, VI, 3, 3-4, p. 521s

 

Je n’osais pas encore demander à Ambroise de venir à mon secours, mais mon esprit était tendu dans la recherche, et sans repos dans la discussion. Je le tenais pour un homme heureux selon les opinions du siècle, le voyant en tel honneur auprès de tous les grands de ce monde.  Mais, quelle espérance cet homme portait en lui, quelles luttes il avait soutenu contre les tentations de sa propre grandeur, quelle consolation il trouvait dans l’adversité, et aussi quelles savoureuses délices la bouche secrète qu’il avait en son cœur éprouvait à ruminer le pain de Dieu, je n’en avais aucune idée, aucune expérience.

Quand il lisait, ses yeux parcouraient les pages, le cœur creusait le sens, tandis que la voix et la langue restaient en repos. Bien souvent, je l’ai vu lire ainsi en silence et jamais autrement ; et nous restions assis longtemps sans rien dire. Puis nous nous retirions et nous supposions que, dans ce peu de temps qu’il pouvait trouver pour retremper son âme, délivré du tumulte des affaires d’autrui, il ne voulait pas se laisser distraire. Peut-être aussi était-il sur ses gardes, dans la crainte qu’un auditeur intéressé et attentif, devant un passage assez obscur de l’auteur qu’il lisait, ne le contraignît à entrer dans des explications ou discussions de certaines questions assez difficiles, et que le temps employé à ce travail ne réduisît le nombre de volumes qu’il voulait dérouler. D’ailleurs, le souci de ménager sa voix, qui s’enrouait très facilement, pouvait aussi être une raison bien légitime de lire en silence.

Hélas aucune occasion ne s’offrait à moi de le consulter sur ce que je désirais, sauf pour des choses qui ne demandaient qu’une rapide audience. Les bouillonnements de mon âme auraient exigé de sa part un ample loisir pour pouvoir se déverser en lui. Du moins, j’écoutais, tous les dimanches, exposer parfaitement au peuple de Dieu la Parole de vérité, et, de plus en plus, s’affermissait en moi la certitude que tous les nœuds d’astucieuses calomnies, que des imposteurs qui nous dupaient façonnaient contre les Livres Saints, pouvaient être défaits.