Isaïe 27, 1-13

La vigne délicieuse, chantez-là !

Père Léopold Sabourin

Les noms et les titres de Jésus, p. 105s

 

L’allégorie de la vigne est bien connue des chrétiens. Deux paroles de Jésus touchent plus directement  notre sujet : Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron ; Je suis la vigne, vous êtes les sarments. On trouverait difficilement un symbole plus expressif de l’union vitale existant entre le Christ et les chrétiens, entre le Messie et la communauté des derniers temps.

Ce titre, la Vigne, pourrait entrer dans une autre catégorie. Sa portée communautaire et d’autres aspects justifient son association aux titres messianiques. Il évoque, par exemple, l’idée que la communauté chrétienne est un nouvel Israël. Je suis la vigne, affirme le Christ, par contraste, semble-t-il, avec l’Israël ancien, souvent comparée, dans l’Ancien Testament, à une vigne dégénérée, comme dans le chant de la vigne composé par Isaïe : Que je chante à mon ami le chant de son amour pour sa vigne… Il en espérait des raisins, mais elle lui donna du verjus.

Pour la même raison, parce que le peuple élu n’a pas porté les fruits attendus, Jérémie traitera Israël de vigne bâtarde, transmettra l’ordre divin d’arracher ses sarments qui n’appartiennent pas à Dieu. Dans  l’allégorie johannique, les sarments sont brûlés ; dans la parabole du figuier stérile, tout l’arbre est menacé, et même condamné.

L’intérêt que porte les auteurs bibliques à la vigne correspond, en partie, aux renseignements que nous fournit la littérature profane : les anciens avaient pour la vigne une estime qui pouvait aller jusqu’au culte. En néo-sumérien, il existe entre les termes qui signifient vin et vie une parenté étymologique réelle. Les textes babyloniens attribuent au vin la force vitale, plus souvent qu’à l’huile. Dans les anciens rites païens, on versait du vin sur les tombes pour assurer l’immortalité du défunt. Selon la Bible aussi, la vie de l’homme a son siège dans le sang, et le vin, dans la Genèse (49,11), est appelé sang des raisins. Une tradition para-biblique identifie l’arbre de la connaissance avec la vigne (Hénoch 32,4). Quand on songe à l’aspect eschatologique de la création (2 Pierre 3,13), on s’étonne moins que la vigne figure avec le figuier comme plante des temps messianiques. Le Nouveau Testament reprend cette donnée en faisant du vin nouveau un symbole des temps messianiques (Matthieu 9,17 ; Jean 2,1-11).