Genèse 32, 4-31

Voir de ses yeux n’empêche pas la présence de la foi

Saint Hilaire

Sur la Trinité, Livre V, n° 19, SC 448,p. 131s

          Viens à mon aide, saint et bienheureux patriarche Jacob, viens à mon aide, et que l’Esprit qui inspira ta foi soit maintenant avec moi. Tu as lutté contre un homme et tu l’as emporté ; et pourtant, toi qui fus le plus fort, tu le pries de te bénir ! Qu’est-ce à dire ? Tu supplies un être fragile ? Tu attends quelque chose d’un être si faible ? Celui dont tu implores la bénédiction, c’est toi qui l’as mis à terre par une étreinte très vigoureuse : la supplication de ton âme ne s’accorde pas avec les hauts faits de ton corps ; tu penses autrement que tu agis. Au plein cœur de la lutte, tu tiens en tes mains un homme impuissant, mais, pour toi, cet homme est le Dieu véritable.

          Ô patriarche, tu luttes avec un homme, mais tu vois Dieu face-à-face. Les yeux de ton corps ne le perçoivent pas, mais le regard de ta foi le discerne. Pour tes sens, ce n’est qu’un homme faible, mais ton âme est sauvée, car elle voit Dieu en cet homme.

          Tu es Jacob pendant que tu luttes ; après la bénédiction, implorée par ta foi, te voilà Israël ! Selon la chair, un homme se trouve en ton pouvoir, c’est pour préfigurer le mystère de sa passion selon la chair. Dans la faiblesse de la chair, tu reconnais Dieu : c’est pour inaugurer mystérieusement les bénédictions dont il nous comblera dans l’Esprit. Le voir de tes yeux n’empêche pas la présence de la foi. Son impuissance ne te détourne pas d’implorer sa bénédiction. Il est homme, mais cela ne s’oppose pas à ce que cet homme soit Dieu. Bien mieux, il ne peut pas ne pas être le vrai Dieu, celui qui se montre Dieu en te bénissant, en changeant ton nom, en t’appelant Israël !