Actes des Apôtres 12,24 – 13,14a

L’envoi en mission

 

Daniel Marguerat

Les Actes des Apôtres (13-28), p. 22s 

L’action se déroule en deux temps, marqués l’un et l’autre par la prière et le jeûne. Une formule solennelle, tirée de la Septante, situe le premier temps au moment où ils rendaient culte au Seigneur. Ce mot culte désigne dans l’Ancien Testament le culte rendu à Dieu ; il connaît ici sa première transposition sur la célébration chrétienne. Dans toutes les religions que le pratique, le jeûne vise à se soustraire à l’influence du monde et à se rendre disponible à l’écoute de Dieu. Jeûne et prière sont souvent associés chez Luc. Mais qui célèbre ? Le pronom eux renvoie naturellement aux cinq personnes qui viennent d’être nommées : Barnabé, un lévite natif de Chypre, Syméon appelé Niger (en latin le Noir, sans doute un africain), Lucius vient de Cyréne en Libye, Manaen qui porte un nom hébreu est compagnon d’enfance d’Hérode Antipas, un fils d’Hérode le Grand, enfin Barnabé et Saul. Cette liste illustre la dimension cosmopolite et pluriethnique de cette communauté. 

C’est lors du culte communautaire, à Antioche, que l’Esprit-Saint parle. Bien qu’il ne soit pas nouveau que le narrateur prête à l’Esprit un discours direct, pour la première et unique fois, dans les Actes, l’Esprit s’adresse à une communauté au travers un prophète inspiré. Son oracle est un ordre : Mettez à part pour moi Barnabé et Saul pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés. Parmi les cinq personnalités de la chrétienté d’Antioche, deux sont choisis ; l’envoi par paire est conforme à la règle fixée par Jésus et pratiquée par les premiers chrétiens. Admirons la subtilité de la formulation. D’une part, l’œuvre qu’ils auront à accomplir n’est pas précisée ; le récit l’exposera par la suite et stipulera qu’il s’agit de l’évangélisation des nations. D’autre part, l’appel divin est mis au passé (j’ai appelé) ; l’église d’Antioche est convoquée à ratifier une vocation déjà lancée par Dieu. Suspense narratif et antériorité divine sont une signature lucanienne, qui indique que Dieu précède son Eglise et la conduit à découvrir son dessein en y participant.