Actes des Apôtres 18, 1-28

A Corinthe, le lieu de travail et l’apostolat

Père Jérôme Murphy-O’Connor

Corinthe au temps de saint Paul, p. 257s 

 

C’est en travaillant que nous vous avons annoncé l’évangile, écrit saint Paul aux Thessaloniciens (1 Th 2,9). Cette phrase montre que Paul ne séparait pas le travail et la prédication. Fabriquant de tentes, il façonnait le cuir ; un des avantages du travail du cuir, c’est qu’il se prêtait aisément à la prédication. Paul travaillait dans un lieu propre et agréable ; toute une série d’échoppes ont été mises au jour, à Corinthe, par les archéologues, le marché du nord a été terminé peu de temps avant l’arrivée de Paul. 

Il ne fait pas de doute que, pendant son ministère à Corinthe, Paul subvenait à ses propres besoins en travaillant de ses mains. On en est d’ailleurs assuré par le raisonnement développé dans sa première lettre aux Corinthiens (9,3-19) : Paul ne pouvait prétendre avoir prêché l’évangile gratuitement, s’il n’avait pas pourvu lui-même à ses besoins. Il a vraisemblablement travaillé de ses mains pendant la plus grande partie de sa vie.

Dans sa boutique, Paul avait accès non seulement à ses compagnons de travail et aux clients, mais à la foule à l’extérieur. Dans les moments de désœuvrement, il pouvait se tenir sur le pas de la porte et accrocher au passage ceux qui, à son avis, seraient susceptibles d’écouter : procédé plus efficace que d’essayer de rassembler un auditoire sur l’agora d’Athènes ! 

La boutique avait encore d’autres avantages. Ceux qu’attirait son message pouvaient entrer pour poser des questions ou pour bavarder pendant qu’il travaillait. Dans les moments de tension, quand on était menacé de persécution ou de simple harcèlement, les croyants pouvaient le rencontrer comme clients.

L’atelier était un choix très judicieux pour un centre missionnaire, mais il ne faut pas s’imaginer que, pour autant, tout était facile. A cette période, l’artisan moyen avait du mal à joindre les deux bouts, et dans le cas de Paul, sa vie itinérante lui rendait difficile de se bâtir sur place une réputation susceptible de l’emporter sur la concurrence. Les longues heures d’un labeur épuisant étaient nécessairement son lot ; et combien de fois lui fallut-il tout recommencer à partir de zéro dans une autre échoppe, dans une autre ville ?