Actes des Apôtres 11,19-30

L’Eglise d’Antioche

Daniel Marguerat

Histoire du Christianisme de J.M. Mayeur, tome 1, p. 83s 

Antioche, il s’agissait d’une très grande cité, nœud de commerce avec l’Orient, à la population cosmopolite et où les Juifs formaient une minorité appréciable. Assez vite après l’arrivée des missionnaires hellénistes, mais sans que nous puissions dire à quelle date, autour de l’an 40, l’Evangile y fut annoncé avec succès à des Grecs.

Il s’agissait d’une première dont le caractère audacieux suscita une réaction de la part de l’Eglise de Jérusalem. Barnabé, un lévite d’origine chypriote, qui s’était acquis une place enviable dans la communauté mère, fut dépêché à Antioche, où il constata l’authenticité de la foi des nouveaux convertis. Devant les vastes perspectives qui s’ouvraient ainsi dans la capitale syrienne, il alla quérir son protégé Saul de Tarse, retiré depuis peu dans sa ville natale, et l’associa à l’entreprise amorcée par les hellénistes. 

Nous savons malheureusement bien peu de choses sur la vie d’une communauté d’un genre nouveau comme celle-là. Ses dirigeants nous sont décrits comme des prophètes et des enseignants, c’est-à-dire comme des inspirés capables de commenter l’Ecriture  et de prendre en charge la prédication aux fidèles. La Bible grecque restait l’autorité qu’il fallait commenter, mais le cultes communautaires faisaient une large part à l’Esprit-Saint, sans que nous puissions dire sous quelle forme. Le jeûne était pratiqué afin de préparer les interventions de l’Esprit et le recours à la prière.L’imposition des mains était un geste liturgique destiné à manifester l’accord de la communauté à la désignation des frères pour certaines fonctions. Loin de se replier sue elle-même après ses premiers succès missionnaires, l’Eglise d’Antioche continuait à prêcher l’Evangile aux foules qui l’entouraient. La meilleure preuve que son activité avait un retentissement certain dans l’opinion est la curieuse remarque faite par l’auteur des Actes (11,26) : c’est à Antioche que les disciples furent pour la première fois appelés chrétiens. Cette désignation a deux aspects surprenants : la terminaison en -ianoi du terme christianoi vient du latin, bien qu’on la rencontre souvent en grec à cette époque, et sert à désigner les partisans de la personne désignée dans la première moitié de mot, souvent avec une nuance politique ; le terme de Christos, qui n’est pas un nom propre, ne pouvait pas être compris par les païens autrement que comme le pommadé, conformément au sens du verbe dont il provenait et qui veut dire oindre, enduire. Tout indique donc qu’il s’agissait d’un prénom péjoratif désignant les disciples de Jésus comme les Pommadéistes, du fait de leur usage fréquent du mot Christ pour se référer à leur Maître, le Messie, l’Oint du Seigneur. Les chrétiens ont adopté peu à peu cette désignation  en s’en faisant un titre de fierté.