Luc 9, 11-17

Vivre pour le Christ

Saint Augustin 

Commentaire de l’évangile de saint Jean, Traité 26, 19, p. 527s

 

De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me mange vivra lui aussi par moi. Jésus ne dit pas : de même que je mange le Père et qui je vis par le Père, celui qui  me mange vivra lui aussi par moi, car le Fils ne devient pas meilleur en participant à son Père, lui qui est né son égal, à la manière dont, nous, nous sommes rendus meilleurs en participant au Fils grâce à l’unité de son corps et de son sang, ce que signifie l’action de manger et de boire. 

Nous qui vivons par lui en le recevant, lui qui est la Vie éternelle, cette Vie que nous n’avions pas de nous mêmes ; mais lui, il vit par le Père en ce qu’il a été envoyé par lui, puisqu’il s’est anéanti lui-même, devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix. Si nous interprétons en effet la parole : Je vis par le Père, à la lumière de ce qu’il dit ailleurs : Le Père est plus grand que moi, de même que, nous aussi, nous vivons par celui qui est plus grand que nous, cela s’est réalisé du fait qu’il a été envoyé. De fait sa mission est son anéantissement et l’assomption de la forme d’esclave, ce qui est interprété correctement si l’on respecte la pleine égalité de nature du Fils avec le Père. Le Père est en effet plus grand que le Fils homme, mais il a pour égal le Fils Dieu, puisque c’est le même qui est tout ensemble Dieu et homme, Fils de Dieu et Fils de l’homme, l’unique Jésus-Christ. Si, selon cette doctrine, on interprète correctement ces paroles : De même que le Père qui est vivant m’a envoyé, et que je vis par le Père, celui qui me mange vivra lui aussi par moi, le Christ a voulu dire : C’est mon anéantissement, cet état où le Père m’a envoyé, qui a fait que je vis par le Père, c’est-à-dire que je lui réfère ma vie en tant qu’il est plus grand que moi, mais, pour que quelqu’un vive par moi, il doit entrer en participation de moi-même en me mangeant. Aussi, c’est après m’être humilié que moi, je vis par le Père, mais lui, c’est après avoir été élevé qu’il vit par moi. Cependant, en disant : Celui qui me mange vivra lui aussi par moi, il n’a pas voulu signifier une même égalité, mais il a manifesté sa grâce de Médiateur.